Quand le sound est bon, il terrorise les pébrons(Massilia Sound System)

Sans doute un trop plein de certitudes, le soleil qui pointait ses premiers rayons, un enchaînement de circonstances qui me fit glisser un instant sur les rivages de la félicité. Je rentrais du festival Lyonnais Hallucinations Collectives en croyant dur comme fer que berberian sound studio ne pouvait passer à côté d'une distribution nationale. J'omis donc d'évoquer ce film qui m'avait pourtant conquis en pensant que sa sortie me permettrait de vous prévenir de ne pas louper ce petit bijou. Car bien sûr je me doutais bien qu'il ne resterait pas à l'affiche très longtemps.

Mais l'étrange malédiction qui frappe le cinéma d'influence fantastique frappa encore une fois dans nos contrées car 3 mois plus tard pas plus de Berberian Sound Studio que de poulets élevés en plein air dans un KFC. Donc Berberian Sound Studio ne nous arrive pas tout auréolé de la réputation qu'il a accumulé en festival. Y aurait-il encore en France cette légère condescendance qui veut que fantastique rime avec adolescence (je sais ça rime pas mais ce n'est pas à moi qu'il faut le dire)? Un tel film qui fait directement référence à tout un pan de la culture fantastique; plus particulièrement les films d'horreurs italiens des années 70 et 80; mais qui s'adresserait à la fois à un public plus large que la tranche 16-25 par son sujet et son traitement; ne pourrait pas trouver son public français alors inutile de perdre son temps à le distribuer. Bien dommage cette exception qui ne tamise que les grosses boulettes. Bien dommage car Berberian Sound Studio est une expérience à vivre en salle pour profiter pleinement de la richesse sonore du métrage.

Les années 70, Glideroy un ingénieur du son anglais réputé mais réservé débarque au Berberian sound studio; un studio de production de films d'horreur italien miteux. La barrière de la langue, la façon très particulière qu'ont les italiens de travailler, le film qu'il est en train de mixer, tout est étrange et différent pour Gilderoy. Les bruitages du film, les hurlements des actrices, les techniciens qui semblent eux aussi sorties d'un film d'horreur. Gilderoy perd peu à peu pieds et la réalité va se dissoudre dans une fiction angoissante.

Peter Strickland est une réalisateur, mais il a également un parcours de musicien au sein du groupe "the sonic catering band" qui mélange poésie, musique contemporaine et sons ambiants. A la vision de Berberian sound studio il est évident que le travail sonore est d'une richesse peu commune. Et toute "l'horreur" ne provient d'ailleurs que du travail phénoménal effectué sur la bande son. D'ailleurs Berberian n'est pas un film d'horreur au sens figuré puisqu'il n'y a rien de graphiquement agressif pourtant le film est bel et bien dérangeant et angoissant.Toute la force évocatrice du film repose sur les sons qui nous sont livrés dans un premier temps pour ce qu'ils sont (le bruit des fruits éclatés par exemple) puis réutiliser pour ce qu'ils évoquent (des coups de couteaux dans un corps). C'est par cette entremise que nous allons plongé dans la psyché du pauvre Gilderoy peut habituer au travail à l'italienne. Nous ne verrons jamais d'extérieurs. Toute l'action se passe à l'intérieur du studio, entre la salle de mixage, le studio de prise de son et le petit appartement de Gilderoy. L'espace visuel extrêmement soigné du film est étrange, plus proche de l'espace mental confus du personnage principal. Il évoque par instants le travail de David Lynch, notamment dans sa façon de brouiller les repères géographiques classiques.

Berberian Sound Studio est un film sensoriel qui nous plonge dans une expérience qui demande un abandon complet pour en profiter. Un GRAND petit film qu'il serait dommage de ne pas avoir vu dans les meilleures conditions possibles.