Dans une atmosphère volontairement confuse, suspicieuse, paranoïaque se noue une relation amoureuse éphémère entre un français de passage et une libanaise aux mœurs libérées.


Une réplique, prononcée par une liseuse de bonne aventure lorsque la protagoniste lui demande ce qu'il en est de sa récente et intense idylle, résume à elle seule le raisonnement épistémologique, fil conducteur du film, développé dans Beyrouth Hotel: «c'est confus ... comme la vie». En effet, appréhender le réel, avec les outils délivrant la connaissance, se révèle vite une tâche hors de portée. Même s'il peut exister des espions qui suivent les suspects, des services de renseignement zélés ou une technique collaborant, tout s'entremêle, se sur-inscrit, se dilue, s'annule et se multiplie dans la perception subjective et unique d'un esprit attaqué de stimuli divers. Par conséquent, comprendre et surtout connaître nous échappe, nous est confisqué, appartient aux sphères supérieures, proches de l'omniscience divine – si ce n'est au divin lui-même.


Voilà pourquoi Mathieu, le séduisant petit français Charles Berling, erre, doute, suppose, suppute, accuse, se replie, abandonne. Car la connaissance lui est refusée. De même qu'à Zoha, la partenaire qui enflamme le temps d'un séjour - dont la temporalité se dilate - ses sentiments et sa libido. Mais qui sait vraiment? Abbas, ancien ami de Mathieu, mêlé à des affaires louches, ultra-surveillé et détenteur d'une «bombe» politique, boulet dont désormais il n'arrive à se défaire? L'ex-mari de Zoha, embrumé dans le Prozac, les joints et une jalousie vengeresse? L'oncle de Zoha, membre de l'un des services de renseignements du pays qui se livre à des querelles internes à bases d'informations dissimulées avec l'autre service? Ou l'ambassadeur français, qui succède à un autre ayant des informations qu'il méconnaît et dont le successeur ignorera certainement l'existence? En fin de compte, personne. Ou plutôt, si tout le monde en possède des bribes, mais personne ne connaît la vérité.


Telle est l'ambiance créée par Danielle Arbid, sur laquelle se sur-impriment la torridité d'un amour avec la pulpeuse et fougueuse Darine Hamze et la très bonne bande-son électro-orientale, que seuls ceux qui ont vécu dans des contrées périlleuses et ont fréquenté les miasmes des pouvoirs locaux peuvent connaître. Un film réussi.

Marlon_B
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le 15 mars 2019

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