Bienvenue chez les Ch'tis par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Le directeur du bureau de Poste de Salon-de-Provence, Philippe Abrams, est un homme sans histoire. Toutefois il rencontre un gros problème dans sa vie de couple, celui d'être marié à Julie, une femme au tempérament quelque peu dépressif et excessif. Las de cette situation, il essaye de détendre l'atmosphère en postulant pour une mutation sur la Côte d'Azur. Pour en arriver là, le cadre modèle va se retrouver dans l'obligation de frauder et de se faire passer pour un handicapé. Mal lui en prend puisque le stratagème échoue lamentablement et qu' il se retrouve sanctionné, et quelle sanction! Il est illico muté à Bergues, un bourg du Nord. C'est alors le désastre pour Philippe Abrams, son épouse et leur jeune fils. Bourré de préjugés sur la région et les gens du Nord, il part tout de même, seul, tel un supplicié, rejoindre son nouveau poste. Arrivé sur place, rien de bien engageant. Il est accueilli par Antoine, le facteur, carillonneur du beffroi de la ville à ses moments perdus. Les premiers échanges sont compliqués, le facteur parlant le "cheudimi', langage incompréhensible pour le nouvel arrivant. Puis rapidement l'horizon s'éclaircit pour Philippe car il découvre un endroit charmant peuplé de gens chaleureux et bons vivants à tel point qu'il s'attache à ce lieu et à ses habitants. Néanmoins, afin d'éviter les histoires avec sa femme, il laisse croire à Julie, de plus en plus anxieuse, qu'il vit un enfer au milieu de gens sales et rustres dans des conditions climatiques dignes de la Sibérie. C'est alors que brutalement elle décide de le rejoindre à Bergues afin de partager les malheurs de son mari.

Il est bien connu que pour les gens du Sud, Lyon est le Nord de la France., mais imaginez, lorsque l'on parle de Lille, de Lens, de Valencienne et des corons on s'enfonce dans les ténèbres! On pense grisaille, vent, froid, pluie et pire, on s'imagine que les gens de cette région sont en osmose avec ce soit-disant climat. On les croit tristes, renfermés, un peu idiots et rustres. Puis le sudiste débarque, la mine plus renfrognée qu'un condamné à la réclusion... et miracle ! Il se retrouve au milieu d'un charmant petit bourg fleuri avec son splendide beffroi et son merveilleux carillon. Les gens sont chaleureux, simples, drôles et accueillants, en un mot attachants. Les collègues vont se mettre en quatre afin que leur nouveau directeur se débarrasse de ses préjugés injustes et simplistes. A partir de là, le gars du Sud va se fondre aux gens du coin. Il va s'adapter à leur vie, leurs coutumes à tel point que son attachement pour cette région va devenir de plus en plus fort grâce en partie à son grand copain, Antoine le facteur et à ses collègues de travail. Le plus grand malheur pour Philippe sera d'apprendre l'arrivée de sa femme à qui il a caché les bienfaits de l'endroit. C'est alors qu'Antoine et ses copains vont monter une mise en scène pour donner à Julie une bonne leçon en lui jouant une comédie caricaturant les gens du cru. Le jeu n'aura qu'un temps et Julie se laissera convaincre par le charme de la région et par la gentillesse de ses habitants.Mais le contrat de trois ans s'achève pour Philippe, trois ans qu'il n'a pas vu passer. Antoine avait prévenu: " dans le Nord on pleure quand on arrive et on pleure quand on part " (je traduis). Le jour du départ est arrivé, Philippe est enfin muté sur la Côte d'Azur et, sa valise à la main, il pleure dans les bras de son copain Antoine.

La première réalisation de Dany Boon : " La maison du bonheur " m'avait quelque peu laissé sur ma faim et là, le miracle se produit. Dany Boon nous sort un petit bijou de drôlerie, de tendresse, un film sobre et sensible dans lequel transparaît avec force tout l'amour que l'artiste porte en lui pour sa région. Il nous dévoile ce coin de France dont beaucoup de gens portent un jugement sévère: " la région où on ne voudrait pas vivre". Sous un regard tranquille, chaleureux, splendide, bref... il nous montre le vrai visage de ce coin de France et de ses habitants. Il le fait avec un réel talent en partant d'un sujet simple: aller vivre à Bergues. Et pourtant cette petite ville n'a rien à envier à beaucoup d'autres, elle est belle, pimpante, vivante, dominée par son merveilleux beffroi. Quant à ces gens du Nord que beaucoup croient rustres et tristes, quelle belle observation que celle dont nous gratifie le réalisateur! Ils sont chaleureux, sensibles et gais. Ils ont un coeur énorme, il n'y a qu'à les écouter entonner avec ferveur au stade Félix Bollaert à Lens leur hymne "Les corons" de Pierre Bachelet. Cette oeuvre est parsemée de scènes d'anthologie. La tournée du facteur et de son patron, entachée de beuveries, en est une parmi tant d'autres. L'interprétation est absolument remarquable, Kad Merad joue son personnage avec son naturel et sa sensibilité habituelle, personnage gentil cherchant à se sortir comme il peut d'un climat familial complexe puis écartelé entre sa femme et son nouveau monde. Dany Boon porte toute l'âme de sa région. Il en dépeint les habitants avec plein d'amour et de tendresse et son interprétation touche la perfection. Il est parfois drôle, parfois émouvant, il est même absolument sublime dans son rôle de carillonneur. Line Renaud est surprenante dans son rôle de mère abusive, bougonne mais au combien tendre. Des bravos également à Zoé Félix en épouse dépressive, perpétuellement inquiète et à Anne Marivin, adorable petite préposée du bureau de Poste, secrètement amoureuse d'Antoine. Chaque personnage est subtilement utilisé dans ce film dont le succès public n'est pas usurpé.

Après avoir assisté à ce bon film dans une salle comble et conquise, je me demande si je n'aurais pas envie d'aller refaire un petit tour dans le Nord de la France ? En tous cas, je suis partant et je ne serai certainement pas le seul. De plus cette oeuvre contrecarre tous les préjugés dans lesquels beaucoup ont tendance à les complaire, pourtant la chaleur est dans le coeur de ces gens du Nord en proie malheureusement aux pires difficultés économiques. Tout cela valait bien un hommage...