Black Harvest
7.8
Black Harvest

Documentaire de Bob Connolly et Robin Anderson (1992)

Le destin d'un homme plutôt que celui d'une "tribu"

Je viens de voir ce film et je reste sur ma faim. Je viens de comprendre aussi qu'il s'agit du troisième film d'une sorte de trilogie, ce qui explique peut-être ma frustration. Peut-être aussi attendais-je de ce documentaire un vrai regard ethnographique sur ces populations de Papouasie, là où le propos est tout de même centré sur ce personnage un peu particulier : Joe Leahy, métis devenu entrepreneur et investisseur à l'origine d'une plantation de café dans laquelle travaillent des Ganigas, dont il parle la langue puisqu'il en est issu par sa mère, alors que son père était australien. Le film est surtout centré sur sa déception, les Ganigas refusant des conditions salariales de plus en plus mauvaises, en lien avec l’endettement de la plantation et la baisse des cours du café. Le sujet central est une sort de "conflit social" et culturel entre les Ganigas et Joe, perçu comme un blanc.

Indirectement, nous découvrons les Ganigas, une tribu papoue qui se cherche, entre maintien des pratiques traditionnelles, et notamment de guerres face à d'autres tribus, et fascination pour la modernité. Ils se battent encore avec des flèches, mais veulent des voitures et des maisons modernes, et commencent à utiliser des armes à feu. Ils ne parviennent pas à renoncer complètement à se battre. Pour dire les choses crûment, alors qu'on a souvent tendance à vouloir idéaliser ces "peuples premiers", dans la continuité du mythe du bon sauvage, ils semblent être aussi cons que les autres... La bêtise semble universelle.

Joe, quant à lui, semble présenté de façon empathique, il veut aider son peuple, il a travaillé dur pour cela, mais il attend une reconnaissance que les Ganigas ne peuvent lui donner, d'autant plus qu'il est rude en affaire : même si les éléments ne sont pas assez précis pour juger, s'il investit de l'argent et prend des risques, il semble profiter des Ganigas et récupère la majorité des revenus... Je dois avouer que, même si l'on peut comprendre son point de vue, et sa situation bien particulière, j'ai peu goûté son discours de bon entrepreneur qui leur apporte tout : pour lui, les Ganigas lui doivent tout, et il se permet même d'engueuler le chef sur lequel il s'appuie dans ses relations avec la tribu pour avoir pissé dans ses toilettes. Bref, il fait preuve d'un mépris assez pénible envers ces Ganigas qui font quand même le gros du travail dans la plantation... Un bon capitaliste comme on les aime. Tandis que les Ganigas se battent avec une tribu voisine plutôt que récolter le café qui risque de pourrir sur pied. Forcément, ça coince !

Le film est décevant dans le sens où on n'a pas un récit complet des événements, on sent des choix qui nuisent au récit, qui s'avère laisser trop de zones d'ombre.

Bref, au final, à part le fait que le film permet de confirmer qu'il ne faut pas systématiquement voir les "peuples premiers" comme des "bons sauvages" (pour résumer), Black Harvest, s'il nous offre des images assez fascinantes de ces Ganigas, ne nous aura au final pas appris grand chose sur eux. Je me suis trompé de film (ou en tout cas mes attentes n'étaient pas les bonnes).

socrate
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le 14 janv. 2023

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