Après “Alien, le huitième passager”, huis-clos claustrophobique se déroulant dans l’espace, Ridley Scott est de retour sur Terre pour les besoins de “Blade Runner”. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cinéaste britannique est attiré par les univers glauques. Novembre 2019, dans un futur immédiat, nous découvrons Los Angeles lors d’un prologue qui fera date dans l’histoire du cinéma. Les effets visuels bluffants du grand Douglas Trumbull nous font d’abord découvrir la verticalité d’une inquiétante cité industrielle, oscillant entre architectures pyramidales géantes, grattes-ciel et immenses cheminées crachants d’incessantes flammes. Mais dès lors que la caméra se pose, Ridley Scott nous présente une mégalopole où la nuit et le jour n’existent pas, où une pluie incessante, polluée, acide, arrose sans discontinuer les rues cosmopolites de cet univers cauchemardesque annonciateur d’un monde en phase terminale. De drôles de vaisseaux publicitaires (tout droit sortis des films de pirates) interpellent le quidam à base de discours d’exodes salvateurs dans les colonies de l’espace (nouvel Eldorado, loin d’une terre en perdition). Et c’est justement de l’une de ces colonies que le Mal viendra sur Terre avec l’apparence humaine de quatre “Réplicants” (des êtres synthétiques à la durée de vie limitée, en quelques mots, des esclaves cybernétiques). Après une mutinerie sanglante coûtant la vie à plusieurs humains, les répliquants retournent se cacher sur Terre. A la tête de ce petit groupe d'êtres quasi-humains (tout au long du film, Ridley Scott joue sur la soif d’humanité des répliquants), Roy Batty (Rutger Hauer), un géant au cheveux blonds, un super-répliquant. Batty est un Nexus 6, l’ultime prototype de la firme cybernétique Tyrell et il est bien décidé à rencontrer son créateur, le généticien de génie Eldon Tyrell (Joe Turkel) pour lui demander des comptes. Les répliquants se fondent dans la foule mais l’unité “Blade Runner” (“les faucheurs”) lance à leurs trousses un certain Rick Deckard (Harrison Ford), un cyber-flic désabusé, le mix parfait entre le détective des polars des années 40 et le cavalier solitaire de western, à la fois chasseur de primes et baroudeur. Au cours de son investigation, Deckard tombera sous le charme de Rachel (Sean Young), une répliquant travaillant pour Tyrell. Sous sa carapace d'antihéros macho et cynique, Deckard est le seul capable de stopper les répliquants. S’engage alors une chasse à mort impitoyable dans un L.A. crépusculaire. Glacial, sombre, abstrait, “Blade Runner” voit le combat entre l’humain et la machine, une confrontation entrecoupée de scènes au lyrisme envoûtant, où la poésie en imprègne chaque plan, faisant de Deckard et de Batty, deux êtres si différents et pourtant si proches, deux silhouettes sacrifiées à la croisée d’une civilisation proche du précipice.