Blonde
5.8
Blonde

Film de Andrew Dominik (2022)

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Eh beh, on l'aura attendu ce film. Un biopic sur Marilyn Monroe, interdit aux moins de 17 ans, ça avait de quoi déchainer les passions. Alors, faut-il réellement en faire un pataquès ?

On se demande évidement très vite si des libertés n'ont pas été prises avec la réalité - ce qui est le cas puisque l'auteure du bouquin a toujours affirmé avoir voulu écrire une fiction bien que puisant dans la réalité - mais force est de constater qu'effectivement libertés ou non, ce biopic n'est pas à mettre entre toutes les mains.

C'est quand même cocasse de constater que dans son genre, où bien on aseptise le biopic jusqu'à ce qu'il soit délivrable au plus grand nombre, où bien on le façonne de sorte à aborder une thématique spécifique, approfondie certes, mais souvent au prix d'une puissante distorsion de la réalité qui n'avait probablement pas besoin de l'être pour passer le message, sinon par le biais d'un parti pris artistique qui pourra en rebuter plus d'un.

Blonde se range définitivement dans cette seconde catégorie, pour le meilleur comme pour le pire.

Passons donc sur le moins bon : le récit est, malgré son apparence déconstruite, assez linéaire. Comme pas mal de biopics, on se retrouve embarqués dans un voyage contemplatif brassant la vie de Marilyn Monroe sans réellement parvenir à nous la rendre suffisamment attachante sur le plan individuel, réduite malgré elle à une tragique icône cinématographique destinée à nous bluffer entre son rôle de la vie de tous les jours de sex symbol et les tourments psychologiques qui la terrassaient un peu plus chaque nuit.

Ça a été dit et redit : le roman comme le film prennent de très (TRÈS) grandes libertés avec la réalité et tantôt ça sert le récit, tantôt on se demande si ça n'a pas été placé là juste pour provoquer stupéfaction et dégoût, pour alimenter des espèces de peurs de la mémoire collective quand la réalité se voulait plus nuancée voire aux antipodes de ce qui est dépeint ici. Une autre approche des faits réels aurait certainement pu créer un résultat similaire. Il en va de même pour la part visuelle de l'oeuvre : si l'on peut justifier la majorité des décisions, elles n'en demeurent pas un peu hypocrites, même si c'est le fer de lance de ce type d'histoire ; des tapis condamnés à être ratissés pour en faire ressortir les plus beaux motifs comme les plus horribles accumulations de saletés.

Il y a aussi un autre parti pris qui m'a décontenancé concernant un des principaux thèmes du film et la façon dont c'est externalisé sur le plan relationnel pour Marilyn, puisque cette dernière passera une large partie du métrage à appeler ses partenaires successifs "daddy", toujours dans un souci thématique mais qui est, je dois l'admettre, ô combien déroutant.

Ça me permet toutefois d'enchaîner sur le bon.

Si le film prend effectivement ses distances avec la réalité, c'est pour se concentrer sur des thèmes particuliers : l'image de Norma Jean, façonnée, exploitée, jalousée, savourée par et pour les hommes dans une société dirigée par des hommes.

Son manque viscéral d'une figure paternelle, constituant une facette entière de sa personnalité et de ses actes.

Ses partenaires, électrons libres qui vont et viennent sans jamais parvenir à la porter vers le haut, et parfois même qui la mettent plus bas que terre, tantôt par une violence physique, tantôt psychologique, tantôt professionnelle, tantôt tout ça à la fois.

Les ambitions virevoltant entre un épanouissement professionnel systématiquement moqué et un épanouissement personnel peinant à prendre forme, réduit malgré ses désirs au plus simple archétype en vogue de la femme au foyer avec son bébé.

La quête incessante, mise à mal par toutes ces craquelures, de soi par Marilyn. Qui est-elle ? Que veut-elle ? À chaque étape de sa vie elle avance, évolue, resplendit, et pourtant...

Et cet équilibre désenchanté n'aurait aucune crédibilité sans la sublime performance d'Ana de Armas. À quelques plans et accents près, elle est tout simplement impossible à reconnaître dans ce film tant elle colle à la peau de la véritable Marilyn, mais surtout tant elle fait preuve d'une palette émotionnelle large et très convaincante.

Depuis la Marilyn pimpante et assurée à la Marilyn fragile et désabusée, elle porte le film vers d'autres hauteurs et est l'unique raison, quoique ironique, pour justifier d'accorder à ce film 2h50 de notre temps. Ironique car on en revient malgré tout à mon reproche exprimé plus haut : le film reste une expérience contemplative de la vie de Marilyn, de ses démons, et Ana De Armas en est le joyau, pour le meilleur comme pour le pire, mais vous aurez donc compris que mes reproches se tournent plutôt du coté du personnage que de l'interprète, époustouflante (et évidement absolument ravissante).

Son jeu ne serait ensuite rien sans le travail de Dominik et ses équipes. Ce film est simplement un régal pour les yeux (et accessoirement pour les oreilles). Qu'il s'agisse des parties en monochrome comme en couleurs, c'est juste un délice. L'éclairage, le cadrage, les effets artistiques.. c'est du petit lait. Idem pour la BO, avec comme morceau préféré "Gemini". C'est à la fois aérien et dramatique, ce qui semble parfaitement encapsuler cette approche très artistique et rude de Marilyn Monroe.

En d'autres termes, c'était une plongée pleine d'émotions dans la psyché librement supposée d'une immense icône du cinéma américain, sertie d'une production extrêmement soignée et divinement portée par son actrice principale, bien que souffrant de quelques libertés artistiques prises çà et là parfois vraiment pas nécessaires.

Chernobill
7
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le 28 sept. 2022

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Chernobill

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