Le début des années 90 fut une période d'extrême productivité pour l'industrie cinématographique Hongkongaise. Plusieurs modes différentes se partageaient le box office sans que cela ne soit de nature à décourager le public d'aller dans les salles obscures. La plus critiquable d'entre elles fut sans nul doute les hagiographies de gangsters en costumes initiées par To Be Number One. Suite au succès du film de Poon Man Kit, des productions similaires fleurirent sur les grands écrans de la colonie pendant près de 2 ans. Pourtant, l'œuvre initiatrice du mouvement n'était pas vraiment fameuse. Les divers clones qui lui succéderont le seront généralement encore moins et ce n'est pas ce mauvais Bloody Brothers qui fait exception.

A l'image de l'ensemble des intervenants ayant travaillé sur le long métrage, le scénariste ne s'est guère foulé. Son histoire n'est qu'une vague repompe de Boxer From Shantung avec son petit jeune ambitieux arrivant à Shanghai pour se faire un nom. Tout comme Chen Kuan Tai, Dicky Cheung sera rapidement plongé dans les embrouilles agitant le petit monde criminel de l'ancienne Hollywood de l'Est et tout particulièrement ses 3 puissants chefs du crime. Histoire de justifier de son salaire, le scénariste injecte tout de même quelques éléments originaux en créant et développant une série de nouveaux personnages censés nourrir le récit (le flic trouble, les différentes jeunes femmes dont sont éprises nos héros). Rien de fabuleux cependant. Car ce n'est qu'un développement minimal qui est assuré sur l'ensemble des intervenants. Un bon exemple est visible dans le personnage de la chanteuse. Centre d'intérêt des trois boss du crime Shanghaiais, son importance est établie à grande peine par les réalisateurs (nombreuses séquences où on la voit manoeuvrer habilement entre les avances des différents méchants), attestant de son rôle central dans l'histoire. Tous ces efforts ne mènent malheureusement à rien, la jeune femme s'effaçant complètement dans la deuxième moitié du métrage. A des degrés différents, tous les personnages souffrent de ce type de traitements foutoirs.

La palme de l'incompétence ne revient cependant pas au scénariste mais au directeur artistique. Certes, on devine facilement que Bloody Brothers n'a pas disposé d'un budget conséquent. Cela n'excuse cependant pas l'authentique amateurisme qui se fait jour dès qu'une scène est tournée en extérieur. Prenons ainsi le cas de la courte scène du zoo. Tournée sur place, on y voit Kent Cheng et son patron discuter business. Les deux hommes sont bien sûr revêtus des costumes appropriés pour simuler le Shanghai des années 20. Mais tous les autres participants de la scène (on ne parlera pas de figurants car les pauvres bougres ne sont probablement que de simples visiteurs du zoo) portent, eux, leur vêtements de tous les jours ! Le contraste est assez pathétique et se répète dans plus d'une scène. Les intérieurs, plus faciles à maîtriser, relèvent un peu le niveau général mais demeurent d'une triste platitude dans le meilleur des cas.
La distribution flirte également avec le désastreux. Kent Cheng cachetonne tranquillement, capitalisant sur sa participation à To Be Number One pour hanter nombre de films similaires. Dick Wei est tristement sous employé (à peine un coup de pied donné par l'ancien bad guy numéro un du cinéma de HK). Quant à Dicky Cheung, pas besoin de préciser qu'il est aussi peu crédible en jeune membre des triades ambitieux qu'il a pu l'être en clone de Stephen Chow.

Les plus optimistes placeront leurs espoirs dans l'action afin de relever le médiocre niveau général de l'entreprise... Ils en seront pour leurs frais. L'amateurisme est une nouvelle fois de la partie. Pas que les chorégraphies soient totalement mauvaises mais la finition générale est bâclée. Des gunfights sans impacts de balles (particulièrement remarquable quand c'est une voiture qui en est la cible et que les vitres demeurent intacts), des coups sans effets sonores, des chutes mal cadrées et des enchaînements mal montées (coups trop découpés entre autres), voilà le lot avec lequel il faut composer.

Aussi mauvais que le film soit, il récoltera largement assez d'argent pour que son producteur soit satisfait du résultat. Hélas, la fin justifie souvent les moyens dans le petit monde de l'exploitation Hongkongaise.
Palplathune
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le 28 févr. 2011

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