Silent Night, Steven C. Miller, U.S.A, 2012, 1 h 34

En 1984, parallèlement au « A Nightmare on Elm Street » de Wes Craven, qui venait redonner un coup de dépoussiérant sur le Slasher, sortait « ’Silent Night, Deadly Night » de Charles E. Sellier Jr.. Ce dernier, ayant désapprouvé son œuvre pour des raisons religieuses, signait alors un slasher un peu malhonnête, qui fit grand bruit à l’époque et fut même déprogrammé.


N’hésitez pas à jeter un œil à l’excellente chronique de Karim Debbache sur le sujet : https://www.dailymotion.com/video/x54m781


Le 24 décembre 2008, à Covina en Californie, neuf personnes furent tuées dans une fusillade suivie d’un incendie volontaire. Chafouiné par son divorce, Bruce Jeffrey Pardo, la responsable de cette tuerie connue comme le Covina Holiday Massacre, exprima brutalement son mécontentement. La nuit de Noël 2008, dans son costume de Santa, il se rend chez des amis où se trouve sa future ex-épouse. Dans un premier temps, il ouvre le feu sur les participants, avant d’embraser la maison… Quelques heures plus tard, Pardo se donna la mort en se tirant une balle dans la tête.


Si le lien entre le film de Sellier Jr. et le massacre de Pardo semble se résumer au fait que le tueur porte un costume de Père Noël, en 2012 ils composent le scénario de « Silent Night ». Ce remake bourrin se démarque d’un original assez médiocre, qui a mal vieilli, et procède en réalité à une réactualisation du propos. Il y ajoute au passage une corrosive critique d’un fait de société omniprésent aux États-Unis.


De retour à ce qu’il maîtrise le mieux, Steven C. Miller propose une œuvre radicalement gore qui ne lésine ni sur les moyens ni sur le visuel. Il offre ainsi un spectacle des plus jouissif, souvent très con, parfois bancal, avec des facilités scénaristiques où prévaut la dimension horrifique, plus que la cohérence. Si dans un premier temps cela peut géner et tendre à la déception, avec le temps « Silent Night » apparaît comme l’un des meilleurs remakes de la période, car il ne répète pas son original, tout simplement.


Le spectacle proposé se montre inédit, et illustre avec une imagination débordante ce Père Noël complètement taré, trucidant allégrement tous ces malheureux écartés du chemin de la morale. Le métrage comble ce petit péché mignon, principal fondamental de l’intérêt pour le gore. Et niveau meurtre, Steven C. Miller ne se retient pas, lâchant complètement la bride d’un trash des plus jouissifs. Mention spéciale pour cette petite connasse brutalement tasée et l’un des meilleurs étripages vus de longue date dans un Slasher, que le rédacteur de ces lignes se gardera bien de vous spoiler. Une séquence particulièrement cradingue, se fendant d’un amusant clin d’œil à « Fargo » (rien que ça).


Le casting se montre solide et pour une fois très juste, à l’instar d’une parfaite Jamie King, bien que celui qui remporte la palme c’est Malcolm McDowell. Complètement en roue libre, le comédien livre une prestation jouissive, enchaînant les punchline (« Ha ha… big mistake, bringing a flamthrower to a gunfight ! ») il semble s’éclater dans son rôle de chef de la police locale, incompétent et abusif. Juste génial.


En toute simplicité et avec une grande générosité, « Silent Night » remplit absolument toutes les cases du Slasher trash et déviant, sans retenue. Dans un exercice où il démontre une véritable aisance, Steven C. Miller maîtrise parfaitement sa mise en scène, parfois brouillonne, mais adaptée au genre d’œuvre qu’il propose et l’intensité qu’il distille dans l’action. Ses influences demeurent bien mieux diluées, bien que très présentes, mais comme pour « The Aggression Scale » il se forge vraiment un style bien personnel et reconnaissable.


Intelligemment troussé, le film ne se repose absolument pas sur l’intrigue de « Silent Night, Deadly Night » et véhicule quelque chose de tout à fait nouveau. Sans pour autant se restreindre dans l’exercice du remake, il diffuse une multitude de clins d’œil à la sage originale (surtout les deux premiers. La saga en compte 5…), en parvenant à actualiser le propos.


Ici, le film sert d’écho aux récurrentes fusillades sur le territoire américain. En s’offrant une petite parenthèse critique de l’American Way et l’hypocrisie des fêtes de Noël, c’est aussi un taquet au catholicisme qu’il se permet. En ce sens, le portrait du prêtre s’avère des plus exquis. Sévèrement frustré, il exprime une déviance malsaine, et à chaque apparition il met mal à l’aise, polarisant tout ce qui ne tourne pas rond dans une société basée sur le non-dit et l’évitement.


Il en va de même pour le personnage de Santa Jim, incarné par Donal Logue, un alcoolique notoire, pendant désolé de la vitrine d’une petite communauté parfaite, frappée par l’horreur. Aubrey Bradimore, l’agent de police qu’interprète Jamie King est également le fruit d’une désillusion. Jeune veuve, elle vit chez ses parents et se réconforte dans le travail. Cependant le bonheur et l’existence parfaite que promet le système, ce ne sera pas pour elle. Ce qu’elle doit accepter assez brutalement.


Faussement amoral au premier abord et encore plus faussement réactionnaire, « Silent Night » se présente comme une œuvre bien plus maline qu’elle ne le paraît dans un premier temps. Axée à fond sur le gore et l’horreur visuelle pure (le design du Papa Noël sanguinaire se montre vraiment terrifiant et réussit) elle se fend d’un petit message alarmiste sur cette Amérique profonde en perdition totale. Ce propos se double d’une réflexion sur la communauté et cette nécessité d’y trouver sa place sans se faire trop remarquer, même si elle est pourrie jusqu’à l’os.


« Silent Night » apparaît, après « The Aggression Scale » comme l’œuvre la plus aboutie de Steven C. Miller. Il y réunit tout ce qui constitue l’intérêt de son cinéma, avec son humble vision cinéphile, respectueux de tout un pan de la culture populaire, en se montrant particulièrement conscient de la place à laquelle il se trouve. Un petit film qui mérite d’être découvert et surtout apprécier pour ce qu’il est.


Stork.

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le 1 juil. 2021

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