Deep River
Bien qu' aimant beaucoup le bonhomme, j' avoue avoir quelques réserves sur les films que Lynch a fait ces dernières années, mais par contre "Blue Velvet" (1986) est un objet hors du commun . "Laura"...
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le 24 mars 2011
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Il faut en revenir à la première fois. Face à ce récit d'initiation, à la découverte d'un monde souterrain et pervers sous les façades avenantes, il faut en revenir à la première fois et découvrir les insectes grouillants dans les vertes pelouses des pavillons bienveillants de la petite bourgade américaine. Un serpent prêt à mordre les insouciants: bienvenue à Lynchtown, ici renommée Lumberton. Bienvenue dans cette petite ville paralysée par l'apaisement comme une toile d'Hopper et rongée par le vice en profondeur, là où il suffit de jeter un œil au fond d'une oreille pour tomber dans un vertige sans fin de désirs brutaux et destructeurs. Du velours bleu posé sur une plaie béante, une voix douce et derrière, le cri. Un hurlement qui arrache les figures de l'obscurité de la nuit.
Il faut en revenir à la première fois car Blue Velvet sonne l'an 1 de l'espace-temps lynchien plus encore que Eraserhead qui en porte les prémices expérimentales. Cet espace-temps, composition de résidus mémoriels universels et pourtant incertains, collection de clichés hollywoodien, cet univers doux et sucré dans lequel on s'empêtre comme une mouche dans une toile d'araignée avant d'en goûter l'amertume. Un petit oiseau factice sorti de Marry Poppins brandit son insecte-trophée l'air menaçant. Rien n'est jamais ce qu'il paraît à Lynchtown.
Il faut en revenir à la première fois et j'en reviens, donc, à ma première fois devant Blue Velvet. Alors peu connaisseur du cinéaste j'en étais ressorti avec l'impression tenace d'avoir rêvé entièrement le film. Certaines scènes se déformaient dans mon esprit et je peinais à différencier l'expérience du film de sa reconstruction mémorielle. Une scène en particulier m'obsédait : Jeffrey (Kyle MacLachlan) découvre dans l'appartement de Dorothy (Isabella Rossellini) une mise en scène macabre. Des cadavres agencés comme dans une installation d'art contemporain. L'un d'eux défie le bon sens de son état putréfié en maintenant sa rigidité cadavérique en position debout. Dans mes souvenirs brumeux je voyais ce cadavre bouger, se balancer imperceptiblement, remuer vaguement les doigts. Etait-ce vrai ou étais-je tellement imprégné de l'atmosphère morbide et grésillante de la scène que je l'avais halluciné ? Ce mouvement advient, brusquement, en un geste réflexe de poule sans tête mais ce qui reste est l'impression du mouvement non son avènement car Lynch maintient suffisamment cet engourdissement incertain pour qu'on ait saisit fugitivement qu'un événement a eu lieu à une échelle infinitésimale. Une force gît sous l'immobilité, la toile s'anime et la persistance rétinienne est prête à envoyer son train dans le public comme pour la première fois.
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le 29 août 2014
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