Pourquoi diable ce film a fait un flop alors qu'il est très bien ?

En me documentant pour faire la critique de ce film, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'il a été réalisé par Jean-Paul Rappeneau, un réalisateur qui a une filmographie réduite mais avec plein de films sympas que j'avais découverts quand j'étais jeune : les Mariés de l'an II, le Sauvage, la Vie de Château, le Hussard sur le Toit, Cyrano....

C'était des films d'aventure avec une légère dimension comédique, mettant en scène des héros aventureux et des héroïnes au caractère bien trempé. Souvent Rappeneau donnait un cadre historique à ses films (la Révolution, le Débarquement, etc.). Il n'aura réalisé que 8 films au total dans sa carrière, et Bon Voyage est l'avant-dernier. On retrouve avec ce film toutes les qualités et les caractéristiques qui font le sel du cinéma de Rappeneau.

L'intrigue en quelques mots : amoureux transi d'une star de cinéma, le héros est emprisonné pour un meurtre qu'il n'a pas commis. A la faveur de l'avancée des troupes allemandes en 1940, le héros s'évade et part pour Bordeaux. Alors que l'armistice est sur le point d'être signée, une galerie de personnages hétéroclites va se croiser et se recroiser dans un Bordeaux envahi de réfugiés, sur fond d'espionnage scientifique et d'un quatuor amoureux.

Dans la première moitié du film, l'enjeu porte plutôt sur l'histoire d'amour contrariée entre les deux personnages principaux. De nombreux personnages sont introduits pendant cette 1ere partie. Tous ont au moins un trait de personnalité individualisant et un objectif clair qui permet d'entrevoir les antagonismes. Les personnages sont bien pensés, on va de la fripouille sympathique (Yvan Attal) à la bibliothécaire patriote (Virginie Ledoyen) en passant par le politicien carriériste (Gérard Depardieu) et l'actrice drama queen (Isabelle Adjani).

Le film transitionne habilement dans sa deuxième partie vers un film d'espionnage original et plutôt bien foutu. Certains personnages s'effacent tandis que l'intrigue se resserre. L'enjeu du film devient simple mais potentiellement dramatique. La scène de dénouement finale dans la forêt landaise est d'une tension incroyable.

Le cadre historique est original, on est en pleine débâcle de juin 40. Je ne crois pas que cette période en particulier ait fait l'objet de beaucoup de productions (à part genre la 7ème Compagnie et la saison 1 de un Village Français), c'est sympa de la voir à l'écran - malgré un contexte qui ne nous présente nous Français pas à notre avantage. La présence d'un ministre parmi les personnages principaux permets de glisser des éléments de contexte intéressants sur la politique (par exemple les caméos de Petain et de de Gaulle).

Rappeneau m'avait déjà régalé avec les Mariés de l'An II qui se passait pendant la Terreur, autre période ô combien dramatique mais passionnante. Il a l'air de bien aimer glisser des enjeux amoureux et personnels dans cadres historique propices au bordel généralisé.

Tout ça pour dire que je ne comprends pas du tout pourquoi ce film n'a pas plus marché ? Ce fut un échec au box office, et il est rapidement tombé dans l'oubli. L'acteur principal (Grégori Derangère) n'a pas non plus fait grand chose de significatif après coup ; c'est dommage.

En bref : un joyeux bordel pendant la débâcle de juin 1940, une galerie de personnages charismatiques, une Isabelle Adjani gentiment insupportable. Un film à revoir ou à découvrir !