Oubliez les réflexions des cinéphiles sur l'avènement proche du Nouvel Hollywood : certes, Arthur Penn filme le sang (ici, beaucoup) et le sexe (ouverture culottée de "Bonnie and Clyde" sur Faye Dunaway nue) frontalement, de manière "anti-hollywoodienne"... mais n'a pas quand même grand chose à voir avec Coppola, Spielberg ou De Palma. Oubliez même les préoccupations politiques, certes sincères, à l'unisson d'une époque profondément contestataire : "Dans "Bonnie and Clyde", l’individu découvre l’humiliation économique, sociale, morale, que lui fait subir la société. Que font Bonnie et Clyde ? "Ils font la guerre à cet état de fait, pour trouver leur identité." commentait alors Penn, tandis que son film défrayait la chronique et récoltait un véritable triomphe auprès de la jeunesse... Mais ce n'est pas cet aspect de "Bonnie and Clyde" qui survit en 2016, et en fait un objet toujours brûlant, dangereux. Non, "Bonnie and Clyde" est un film PUNK, au sens où le furent les Pistols et les Clash : la tentation de l'anarchisme, certes, mais surtout la rage de vivre vite et de mourir jeune, en ayant le meilleur look possible (regardez les photos du couple terrible, armes à la main, impeccables de classe !). "Bonnie and Clyde" est un film qui glorifie le chaos, qui le rend sublime, à coup de caméra brutale, de montage sauvage, d'images accélérées, de dérapages incontrôlés. "Bonnie and Clyde" est un film laid sur la laideur terrible de notre monde, qui montre deux personnages sublimes (Faye Dunaway est dans ce film l'une des plus belles jeunes femmes jamais filmées !). Mais l'intelligence absolue de Penn, c'est de ne jamais rendre cette dérive romantique : non, comme dans tout bon film PUNK, les héros sont aussi stupides, vides ("We're so pretty vacant, and we don't care..." !) que l'univers minable dans lequel ils se débattent : la famille est un enfer de bêtise (le frère et sa femme, terrifiants) ou de lâcheté (la trahison finale), le sexe se réduit à la frustration (Beatty, magnifique en amant paradoxalement impuissant), la solidarité sociale n'existe pas et la révolte des opprimés se réduit à briser les vitres de sa propre maison. Ne reste que la rage. [Critique écrite en 2016]