Bounce Ko Gals
7.3
Bounce Ko Gals

Film de Masato Harada (1997)

Dans mes souvenirs je disais beaucoup de bêtises quand je l'ai vu pour la première fois en 2013
"Là je sais pas, j'ai trouvé ça très long, et ça manquait un peu d'énergie, en moyen métrage je trouve que ce serait beaucoup mieux passé" Non mais sans déconner!


C'est marrant que ça soit sortie à une année de différence avec Love & Pop, c'est à se demander si les deux réalisateurs s'étaient mis d'accord en amont pour réaliser deux films différents sur le roman de Ryu Murakami, parce que les points communs sont nombreux quad même :
-Unité de temps et de lieu
-Un groupe d'amies adolescentes
-La thématique principale bien entendu avec ce phénomène de "l'enjo kōsai" où de jeunes filles, via tout un réseau téléphonique, se voient donner des rendez-vous par des hommes bien plus âgés pour leur servir d'accompagnatrice (pour aller bouffer, discuter, chanter au karaoké...etc) ou se livrer aussi à des prestations sexuelles. Là où Love & Pop finalement s'arrête au système du "téléphone rose" et ne montre que la partie émergée (service d'accompagnement) même si ça bascule dans des rencontres très tordues, Masato Harada lui décide de s'enfoncer dans l'engrenage du réseau en y dévoilant les services les plus morbides : Vente de culotte récemment portée entre autre.
-De l'errance urbaine dans un Shibuya filmé sous toutes ses coutures, le parcours des jeunes filles débute en début d'après midi, s'enfonce dans les abysses de la nuit et se terminera au petit matin.
-L'une des filles à un objectif bien précis dans son désire de gagner de l'argent rapidement, ici partir pour New York.


Ce film m'a tellement remué que je ne sais même pas par ou commencer et quoi dire surtout...


J'ai beaucoup aimé cette dépravation tokyoïte où la majorité des hommes rencontrés sont de gros détraqués, ça m'a rappelé Blow The Night sortie 14 années plus tôt, si ce n'est qu'ici le film de Masato Harada se distingue par cette indéfectible amitié qui se construit dans le peu de temps qu'à Lisa pour récolter de l'argent et prendre son avion. C'est dans cette relation construite sur le moment que ce Bounce Ko Gals ne peut se contenter qu'être un état des lieux froid et cynique (je pense que je n'aurais pas accroché si c'était dans le même ton que le film sus-cité). J'ai adoré que cette sororité se fasse à l'allure de l'errance du personnage de Lisa, ça se fera au gré des situations et elles bénéficient d'une bonne écriture en plus de ça, même si Raku se distingue surtout par sa peur des lignes droites.


Masato Harada est souvent très dur et ne fait pas dans la dentelle, en frôlant peut-être parfois avec la caricature : Cet homme politique et les chiottes, quand on connaît un peu le cinéaste ça ne surprend pas mais on sent bien qu'il a une profonde aversion pour ces hommes là.
Le film n'est pas non plus aussi manichéen que ça, loin de là même, la plupart des filles savent dans quoi elles s'embarquent et tirent bien parti de la demande des hommes, la désinvolture avec laquelle la jeune fille fait face concernant son avortement est malheureuse...
Sans doute que certains hommes sont bien à plaindre aussi, j'ai du mal à comprendre ce désire d'aller vers des filles aussi jeunes (même simplement pour faire du karaoké) mais il y a une problématique bien plus profonde que ça.
De même que la gérante du magasin de culotte ou le Yakuza (le génial Koji Yakusho) ne sont pas des êtres dénués de moralité ou de sensibilité, la scène à l'hôpital est vraiment émouvante d'ailleurs.


Comme je le disais en début de commentaire, c'est une aventure urbaine qui se déroule en l'espace de 24h, la mise en scène de Masato Harada s'accommode au temps et au lieu pour ensuite s'adapter à la relation évolutive des trois jeunes filles.
Capable de filmer de manière authentique le travail de jeunes hommes au carrefour de Shibuya, qui tentent de vendre leur pilules amincissantes, la caméra se situe de l'autre côté de la foule, les personnages sont noyés dans le flux urbain. De même que les discussions entres jeunes filles sont aussi inaudibles (elles parlent toutes en même temps) que triviales.
Et puis il se passe quelque chose quand le nuit recouvre la ville, l'espace est différent, j'ai eu l'impression de me retrouver dans un univers parallèle, les filles sont toujours noyées par cette urbanisme anarchique, mais cette fois ci c'est les installations censées apportés lumière et chaleur qui les submergent : Cette scène magnifique où la caméra se focus d'abord sur des cônes de signalisation et se dirige ensuite vers les deux (nouvelles) amies de l'autre côté de la route, au ralenti, pendant que les voitures passent au travers ça a quelque chose de vraiment onirique.


Je commence à cogiter pour la suite et ça c'est pas bon donc je vais arrêter là.
A mes yeux c'est le plus grand film du cinéaste, Masato Harada a sans doute les yeux plus gros que le ventre puisqu'il veut parler de beaucoup de choses, on voit que beaucoup de sujets lui tiennent à cœur (J'aurais aimé en voir plus d'avantage sur le métier de Oshima qui se voit concurrencer par l'Enjo Kosai justement) mais ça a été pour moi une jolie claque que je n'espérais pas avoir avec ce film là.


Un dernier mot sur la musique de Masahiro Kawasaki qui sublime cette fin, lors d'une nouvelle et dernière matinée où les trois copines sont conviées à rejoindre une dernière destination avant le départ.


Un immense film mais vraiment...

HuangFeihong
10
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le 21 mars 2021

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HuangFeihong

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