A l'heure où voir des enfants vieillir à l'écran, via des séries télés, n'est plus une chose forcément nouvelle, le projet de Linklater n'en demeure pas moins, au cinéma, une vraie proposition.

En suivant 10 ans de la vie de deux enfants (on parle beaucoup du garçon, mais n'oublions pas son essentielle soeur), leur trajectoire, Linklater prend le pari de rendre vivant le temps qui passe (obsession du réalisateur qui revisite son couple fétiche des Before tous les 10 ans). C'est d'autant plus fort qu'il s'observe physiquement, dans un tourbillons de moments clés, où l'on voit l'enfant devenir ado, rebelle, assagi, souffrir, rire, le tout filmé dans ce qui s'apparente presque à une forme de documentaire étrange, tant l'absence d'artifice renforce la crédibilité de leur vie. Cette vie parallèle d'Ellar Coltrane est d'autant plus forte qu'elle se rattache à notre propre vécu de ces 10 années.

C'est là aussi que le film marque des points, dans l'émotion que suscite le quotidien de 10 ans de souvenirs. Les années 2000 vues par Linklater, de Coldplay à Arcade Fire, d'Harry Potter à l'Irak et ses longues vagues de conséquences, d'Obama à Lady Gage, et on en passe, c'est finalement un résumé de l'Amérique de cette époque que dessine le réalisateur, cherchant à imprimer son temps en le capturant année après année, sans nostalgie mais au contraire en capturant l'instant.

Mais autant voit-on les enfants grandir, on voit aussi les parents vieillir. Là aussi, on se surprend à observer les trajectoires absurdes et folles de deux adultes, parents trop jeunes qui doivent encore et encore faire des erreurs et vivre avec elles. Les performances de Patricia Arquette (bouleversante de bout en bout) et d'Ethan Hawke (parfait en père trop jeune victime/coupable, attendrissant/absent) sont immenses, tout comme les seconds rôles (Marco Perella dans le rôle du beau-père alcoolique est un des grands personnages du film).

Boyhood est un film sur la vie capturé de manière inédite, qui s'il ne nous apprend rien de particulier, s'il ne s'émerge du film aucun "moment" ou sommet d'émotion, que d'autres films cherchent à atteindre, c'est le regard que l'on porte sur "l'ensemble" qui remue. 10 ans de nos vie, ça brule tellement vite, ça semble se résumer aussi à quelques instants clés, quelques oeuvres, quelques disputes, quelques émotions...C'est court et c'est en même temps absurdement long.

Un film qui fait réfléchir.

Et puis Patricia...
Pierre-Marc_Gag
8
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le 28 juil. 2014

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