Bubble
6.1
Bubble

Film de Steven Soderbergh (2006)

L'histoire est simple : Martha et Kyle sont amis et travaillent dans une usine de poupées du Midwest. Un jour, Rose, une nouvelle employée, débarque. Kyle et Rose se tournent autour... jusqu'au jour où Rose est retrouvée chez elle étranglée.
La réalisation est chirurgicale, les plans sont extrêmement bien pensés, très contemplatifs et en même temps longs et pesants. L'atmosphère qui se dégage de ce film est très anxiogène et lourde. Il y a peu de dialogues, assez peu d'enjeu, les personnages se fondent totalement dans ce décor grave et inquiétant. Tous ont une vie assez médiocre : Martha, femme obèse d'un certain âge s'occupe de son père sénile et coud des vêtements de poupée pendant son temps libre. Kyle, son ami, est jeune, mais un peu trop vieux pour vivre encore chez sa mère. Il n'a pas de voiture, pas vraiment de copine ni d'ambition. Rose, elle, est jeune, belle et un peu rebelle, ancienne aide-soignante, elle est séparée de son ex, un artiste raté, et vit avec sa petite fille. Elle qui, selon ses propres mots "nettoyait la merde des autres", rêve de partir, de se faire plus d'argent... Pas gagné dans une usine de poupées ! La jeune femme est de prime abord étrange : le regard fourbe mais charmant, elle est un peu cleptomane, un peu manipulatrice. Loin d'être une Bonnie ou une Catherine Tramell (Basic Instinct), elle use tout de même de ses charmes pour abuser de la disponibilité de Martha et voler Kyle après un date pas franchement réussi. On soupçonne Martha d'être un peu amoureuse de Kyle, sans jamais le dire, ni trop l'assumer.
La force du film réside dans ces personnages ratés. La banalité de leur condition est très bien rendue par la mise en scène et le jeu des acteurs. J'ai d'ailleurs été frappée de voir à quel point les personnages sont eux-mêmes des poupées : ils n'expriment quasiment rien, travaillent tel des robots : personne ne pleure, personne ne rit, personne ne s'émeut vraiment.


Kyle qui semblait avoir des vues sur Rose n'est pas plus touché que ça par sa mort, l'ex de la belle n'est pas très étonné ; même Martha dans sa cellule, accusée du meurtre de Rose n'est pas non plus très expressive.


En revanche, cette banalité n'a pas été assez fine pour rendre l'événement clé de l'intrigue assez puissant. Le meurtre arrive quasiment à la fin du film qui dure à peine plus d'une heure. Soderbergh semble avoir pris le parti de ne pas préparer le spectateur à ce crime : pas de tension évidente entre les personnages, pas de vrai mobile, pas de rivalité. Mais surtout, il n'y a pas vraiment de suspens quant à l'identité du coupable... et c'est selon moi un problème. La fin du film en devient presque maladroite car cela manque un peu de solidité. L'idée est plaisante, intéressante, la banalité du mal est toujours un thème bienvenu au cinéma, mais il aurait fallu, selon moi, que les rapports entre les personnages soient un peu plus subtils ! Le meurtre et son dénouement arrivent quasiment dans la foulée, supprimant tout espoir d'être manipulé, et de se demander qui était le plus désespéré des personnages pour passer à l'acte. Dans mes rêves de spectatrice, j'aurais souhaité que tous aient un motif pour tuer Rose, qu'on se demande vraiment qui à fait ça, et pourquoi... Je n'ai d'ailleurs pas bien compris la toute dernière scène, donc si quelqu'un veut bien m'éclairer, c'est avec plaisir !


Film visionné dans le cadre des échanges de film de mai 2018 organisé par @MoonLucide. Il m'a été proposé par @Poulchcock.

Maeva-Wallace
7
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le 7 mai 2018

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Maeva-Wallace

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