La première scène donne déjà le ton: Une conversation complètement surréaliste, dans le RER, entre Depardieu et un illustre inconnu, joué par Michel Serrault. On retrouve ensuite ce dernier, mourant, planté dans le ventre par le propre couteau du premier. On ne sait rien (ni comment, ni pourquoi) et Depardieu est aussi paumé que nous, alors que l'arme du crime est la sienne (ne cherchez aucune logique dans ce film, il y en a pas)!


Il s'en suit de nombreuses rencontres, meurtres et péripéties, toutes plus absurdes et incohérentes les unes que les autres. Narration éclatée, comportements étranges des protagonistes, structure scénaristique sans queue ni tête; les spectateurs qui aiment être sur des rails vont détester ce film! Cette façon que Blier a fait Buffet Froid est un gros doigt d'honneur au schéma classique d'un film et une assez belle ode à la liberté, quelle soit artistique ou plus générale.


Évidemment, cette absurdité qui émane le film n'est pas vaine et est constituée d'un fond: Blier décrit à travers cette "histoire", une vision pessimiste d'un monde déshumanisé, où sont enfermés trois marginaux, représentatifs de cette société malade: un pauvre paumé, un policier blasé et devenu aussi immoral que les criminels qu'il pourchasse et un solitaire victime de ses pulsions meurtrières.


C'est ça la grande force de ce film: traiter d'un sujet aussi nihiliste avec humour et rendre attachants ces personnages détestables et cyniques (on suit tout de même un tueur, un flic ripou et un violeur)! Blier nous sert donc des dialogues succulents et très ancrés dans l'humour noir, des répliques cultes ("Bonjour, je vous présente l'assassin de ma femme"), des situations cocasses (celle avec le tueur à gages est hilarante) et une mise en scène captant parfaitement le désenchantement de la nuit.


Et qu'est ce que ce serait le film sans son parterre de comédiens,tous géniaux:que ce soit Depardieu, Carmet, Serrault qui arrive à être inoubliable alors qu'il n’apparaît que dans de 2 scènes et surtout Bernard Blier (le père du réalisateur), une vraie gueule de cinéma, juste hilarant!


Après avoir vu ce film, une question m'a turlupiné: où est donc passé ce cinéma français subversif et dérangeant (ce film, Série Noire, I comme Icare, Les Valseuses, La Grande Bouffe, Le Vieux Fusil etc...) qui a foisonné dans les années 70? Je me le demande...

Wobot
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Un petit hommage au 7ème art français, 100 et Mes courants cinématographiques préférés

Créée

le 20 juil. 2013

Critique lue 1.4K fois

47 j'aime

11 commentaires

Wobot

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

47
11

D'autres avis sur Buffet froid

Buffet froid
TheBadBreaker
9

Critique froide pour film chaud

Bonjour. Comme on dit, la politesse avant tout. Si vous êtes à la recherche de la critique parfaite, passez votre chemin. Vous avez bien remarqué que je n’ai même pas su comment ouvrir ma critique…...

le 26 août 2014

121 j'aime

12

Buffet froid
Samu-L
9

Y en aura pour tout le monde

Buffet froid est un crachat à la gueule du cinéma français.Un crachat à la gueule de la narration. Une œuvre absurde extrêmement drôle à force de noirceur. Les dialogues se boivent comme du petit...

le 30 sept. 2022

67 j'aime

10

Buffet froid
Wobot
9

Une belle bande d'enfoirés!

La première scène donne déjà le ton: Une conversation complètement surréaliste, dans le RER, entre Depardieu et un illustre inconnu, joué par Michel Serrault. On retrouve ensuite ce dernier, mourant,...

le 20 juil. 2013

47 j'aime

11

Du même critique

H
Wobot
9

Pour les trois attardés du fond de la classe

H, c'est toute ma vie! Le genre de série dont j'ai vu chacun des épisodes au moins 20 fois, dont je récite les répliques les plus cultes avec mes potes, dont je connais les dialogues et les gags par...

le 10 déc. 2013

81 j'aime

13

Demain, c’est loin
Wobot
9

Une fois suffit.

Y a de ces morceaux qui s'imposent directement, qui sont évidents dés la première écoute, qui sont fondamentaux, la base de tout... "Demain c'est loin" fait clairement partie de ceux-là! Comme le dit...

le 3 nov. 2014

56 j'aime

12

Le Magnifique
Wobot
9

Une belle époque révolue

De Philippe de Broca, j'avais déjà été transporté par L'Homme de Rio dont Le Magnifique en est un prolongement tout à fait logique. Je présageais de passer un aussi bon moment, une bulle d'air...

le 21 déc. 2013

51 j'aime

1