Déjà, rien que de voir une grosse production américaine qui ne soit pas super-héroïque est déjà un succès et donne un minimum envie d'aller y jeter un œil. Cascadeur de formation reconverti depuis une petite dizaine d'années dans la réalisation, on sent David Leitch désireux de poser sa patte sur la production, que ce soit le rendu visuel, l'écriture ou les personnages.
Souci : pas mal de monde est déjà passé avant lui et hormis une action se déroulant quasi-exclusivement dans un train (début, fin et flashbacks exceptés), rien n'apparaît vraiment novateur, où l'on sent parfois la difficulté de tenir deux heures sans interruption, à coups de sous-intrigues pas toujours heureuses ou de situations un peu laborieuses, la volonté de faire du Tarantino niveau dialogues faisant face au mur d'un talent (très) inférieur. Et aussi spectaculaire soit-il, je doute de la pertinence de ce final filmé « pachydermiquement », où l'utilisation du numérique est... intense, dirons-nous, la volonté de faire plaisir à un public jeune étant assez évident : le faire de façon lisible techniquement l'est nettement moins.
Mais bon, au moins cela nous change-il du schéma ultra-balisé des films Marvel/DC, avec ce qu'il faut d'action, d'humour, de saveur et de personnages décalés, légèrement surprenants, pour nous prendre dans le sens du poil. Parfois bancal et manquant de ligne directrice, le scénario offre toutefois de bons moments, décontracté sans être je-m'en-foutiste, ne se prenant pas au sérieux sans jamais se moquer des spectateurs. Leitch trouve un bon équilibre entre dialogues et bastons, jouant assez bien la carte « cartoon », les différents « histoires personnelles » s'imbriquant correctement, aussi inégales soient-elles dans leur intérêt.
Et puis il y a le casting : si Aaron Taylor-Johnson n'était pas forcément le meilleur choix pour le rôle, tous les autres assurent totalement, à l'image du savoureux numéro de Joey King ou de la classe toujours intacte d'Hiroyuki Sanada. Mais pour moi, la vraie bonne surprise, c'est Brad Pitt. Jamais inconditionnel de cet acteur, il est ici irrésistible en agent aussi doué que malchanceux, drôle, charismatique, constamment dans le ton et au look des plus réjouissants.
Il ne faut pas trop attendre de « Bullet Train ». Alors vous pourrez y prendre un certain plaisir, vous sentir dépaysé, avoir l'impression d'une œuvre avec son petit style, légèrement à l'ancienne, ayant, donc, le grand mérite de ne pas être une énième suite de franchises entamées il y a une décennie : ce n'est peut-être pas grand-chose, mais en 2022, c'est déjà énorme.
PS : y aurait-il eu un « gentlemen's agreement » entre Brad Pitt et Sandra Bullock pour que le premier apparaisse dans le film où celle-ci est la star (« Le Secret de la cité perdue ») avant qu'il ne lui rende la pareille ici ?