Bully
7.1
Bully

Film de Larry Clark (2001)

"Bully" est une décharge électrique, un objet cinématographique que vous prenez en plein gueule. On pleure pendant la scène du meurtre (plus émotionnellement que physiquement forte) ou presque, car on se met dans la tète des protagonistes, on est avec eux et au final, à l’énonce des sentences, avec les visages et les noms des protagonistes écrits comme un générique.


Le plus effrayant avec "Bully", c’est de savoir que c’est vrai : Larry Clark (qui apparaît lui-même a l’écran dans le rôle du père du serial killer qui aide les autres) nous transmet les émotions de ses personnages, Bobby Kent commet tout ses actes (et ce dès les premières minutes) et bien on se sent comme eux, chacune des victimes et l’inévitable envie de se révolter, on prépare avec eux le meurtre pendant plus de 45 minutes de film, puis on est avec eux, quand on le tue : la scène n’est pas aussi violente qu’on l’as dit et quasiment tout est suggéré, nous rends triste à la fois pour la future victime et aussi pour les meurtriers mais on se sent complice de leurs actes,
ce qui fait que notre cœur est tiraillé entre émotion et soulagement, on est triste pour Bobby Kent, en dépit de tout ce qu’il as fait et pour les tueurs et tueuses car ils finiront tous en prison (ce qui n’est pas un secret) mais on est même temps on est apaisé, porté par l’instant, on a la terreur de Bobby dans les yeux mais nous aussi nous plantons notre coup dans le corps de Bobby : c’est presque euphorique, jouissif. La scène n’est pas très effrayante mais elle vaut pour ce rare sentiment de dualité : nous faire ressentir deux émotions contraires dans la même scène.


Jamais, je pense n’avoir ressentir ça en regardant un film ou une série. Pour eux, c’est a la fois la terreur (pour les filles), la peur (pour deux des garçons) et la jouissance (pour les autres garçons). La scène est remplie de champs contre-champs, procure un sentiment de malaise presque, parce que Larry Clark ne fait pas les choses comme tout le monde, dans une scène de meurtre, on se met à la place des meurtriers et pourtant lui prend le point de vue de Bobby, ainsi quand il est transporter dans le canal, la caméra est comme sur son corps : on ne voit rien, juste deux des garçons le transporter, Larry Clark saisit chaque émotion de ses personnages lors de cette scène, l’une des tueuses se refugie vite fait à l’arrière d’une voiture ; une regarde toute la scène détachée ; un des garçons se marre ; les autres tuent… C’est une scène bien étrange : on est presque fier d’avoir tuer quelqu’un. En même temps, ils ont pris le temps (une grande partie du film), puis après le meurtre, c’est le fait de s’organiser pour ne pas se faire coincer,


mais les protagonistes en parlent à leurs amis et se font coincer : ça semble prévisible et inévitable


Le film est en plusieurs fragments, bien coupé : le début où on voit Bobby Kent à l’œuvre, bossant dans une supérette avec son meilleur ami Marty, il lui ordonne de faire des choses, lui refuse et le bouscule violemment contre un distributeur de bonbons, ce ne sera que le premier des actes de Bobby Kent, pendant la scène de cette première incartade, deux filles que l’on as suivit plus tôt commandent à manger et la brune se prends d’affection pour Marty : c’est elle qui aura l’idée du meurtre au bout de vingt minutes de film, marre de voir son petit ami se faire tyranniser, les autres protagonistes, ne sont pas partants, Dobbie (Michael Pitt extraordinaire), jeune junkie accro au sexe et qui du fait de sa prise de drogue perds la mémoire et dit des choses qui n’ont aucun sens, lui ne semblerait pas être sérieux mais c’est lui qui


planterait dix coups de couteaux à Bobby Kent après que ce dernier l’ai provoqué (Michael Pitt joue formidablement bien sur les émotions et pour la première fois avant le meurtre voit rouge quand Bobby se moque de lui et traite sa copine de pute),


chacun des protagonistes ne se rendrait presque pas compte de ce qu’ils vont faire : tuer quelqu’un, extraire une vie humaine. Tous bercés (comme nous), à la culture geek et nerd,
ils pensent quasiment que le meurtre sera très facile jusqu’à le membre d’un gang, un tueur professionnel (Leo Fitzpatrick très sérieux et mature) n’arrive pour les conseiller et les ramener sur terre mais lui-même peu avant le meurtre ne pense pas qu’ils vont réellement le tuer.
Larry Clark insiste lourdement et avec réalisme sur ce qu’est un Meurtre : après tout, c’est presque le sujet central du film. Sans ce meurtre, le film n’aurait presque aucun intérêt. Il nous fait rendre compte de la gravité d’un Meurtre, que ce n’est pas quelque chose d’anodin, de fictif mais quelque chose qui peut avoir des conséquences très lourdes.
Mais le film ne parle pas que de meurtre (bien que les protagonistes en parlent pendant plusieurs jours d’affilés), il montre aussi du cul. Regarder un film de Larry Clark, c’est un dépucelage visuel, il ne ménage presque pas le spectateurs : actes sexuels exceptionnellement explicites (j’en avais vu d’aussi réalistes dans une œuvre de "fiction"), viol (la scène n’est pas jolie à regarder), zoophilie, pédophilie (c’est suggérer pour ça), il est comme obsédé par le cul, des qu’il le peut, il filme une paire de fesses, des corps nus (on note un travelling avant partant d’une paire de fesses) mais qui traduisent des émotions, car de ces scènes de sexe, Larry Clark en balance une émotion particulière, il ne filme pas les corps mais les visages en action, les personnages discutent quand ils font l’amour, ils peuvent discuter de n’importe quoi, de quelqu’un d’autre, de meurtre (une scène de sexe juste après le meurtre ou Marty et sa petite amie font l’amour et sa petite amie semble excitée sexuellement en repensant au meurtre). Larry Clark ne ferme pas les yeux, ne caricature pas spécialement les personnages, il les dessine pour les rendre humains, même Bobby Kent arrive à nous toucher et montre au bout d’un moment, le décalage entre ados et leurs parents.
Larry Clark ne signe pas un film comme les autres, tourné entièrement en Floride, il montre la jeunesse de Floride, plage, beau temps et surf et alors que la plupart des films sur la jeunesse sont superficiels, Larry Clark montre une personnalité pour chaque personnage, ils sont Tous Différents, c’est ce qu’il les rends attachants. Ils ne glandent rien de leurs vies, ne vont plus en cours (ce qui est formellement dit), ne font que traîner et errer, entre plusieurs endroits : aucune scène de lycée, ni de cours, donc "Bully" n’est pas, à ce qu’on peut parler, un "teen-movie", c’est un film presque pour adultes, conseillé à un public mature qui y verrait une richesse et une profondeur unique.


Pourtant "Bully" est quasiment l’objet d’une carte postale : nous sommes en Floride et le fait divers qui a inspiré le film s’est déroulé la bas. Le décor est chaud mais contrairement à des films comme "Sex Crimes", le réalisateur n’en profite pas : tout ce qui semble l’intéresser : ce sont ses personnages. Bobby Kent est vite mis à l’écart pour se centrer sur le noyau de tueurs et tueuses qui communiquent mal avec les autres, qui s’agrandit au fur et à mesure que le plan est mis en place (choix soigneux de Larry Clark de faire entrer un à un par des prétextes, les protagonistes) : ils ont des petits frères et sœurs qu’ils ignorent et malmènent, des parents posés et qui semblent responsables. Ce qui est à la fois hilarant et triste, c’est la scène où on découvre la famille de Bobby pendant un repas, on connaît alors l’ado borderline au comportement sans-limites mais il mange calmement avec son père (un type sérieux qui bosse), une mère, des frères et sœurs et le père veut que Bobby s’éloigne de Marty mais Bobby refuse car il semble trop attacher à lui (bien qu’il le montre de la manière : "Qui aime bien, châtie bien") ; Marty, lui vit coincé avec ses parents, ses grands parents, son petit frère et son père refuse de s’éloigner de la ville alors que Marty voudrait se tirer ; les autres personnages ont des parents peu impliqués, à l’écart de leurs progénitures (bien que le personnage incarné par Larry Clark lui-même ai l’air d’être sévère). Heather est une junkie en cure de desintox' que son amie d’enfance : Lisa (la petite amie de Marty) l'interrompe pour l’aider à tuer quelqu’un ; Derek est le cousin de Lisa : un lourdaud passionné par les jeux vidéos coincé par sa relative obésité et aimé par sa tante, frustré de ne pas avoir de copines à cause de cette même relative obésité ; Alice est une jeune fille héroïnomane, assez détachée et réaliste ; Donald (ou Dobbie) est un jeune junkie accro au cul avec sa petite amie Alice ; Derek : le serial killer organise le meurtre, avec ses frères et son père ils achètent du matos de voiture récupérer ; Lisa est une jeune fille comme tant d’autres au départ un peu coincé, elle est une amie d’Alice (c’est avec elle qu’ils séduisent Bobby et Marty), elle regarde son petit ami se faire martyriser et le temps d’une scène ou elle place une insinuation (elle ne prononce pas le mot "meurtre" mais "disparaître" après que Marty ai dit qu’ils aimeraient disparaître tous les deux) et Marty à l’air d’un looser mais c’est au final celui qui se débrouille le mieux avec les filles : sa sensibilité, sa timidité et sa passion pour le surf (et le jeu extrêmement sensible de son interprète) en fond dès les trois premiers scènes un personnage attachant même quand il tue.


"Bully", c’est un film choral qui part de plusieurs points de vues, il est filmé de manière très classique (voire trop) mais Larry Clark n’est pas né de la dernière pluie (il a été photographe) et ose dans une scène arrive à nous faire avoir le tournis : quasiment tous les protagonistes du meurtre (sauf Marty) parlent dans un cercle et Larry Clark les filme relativement rapidement les uns après les autres en cercles, encore et encore.


Le film est réaliste, à presque aucun moment, il ne sonne faux : on pense au début que les personnages sont des personnages de fictions comme tant d’autres mais on ne sent pas les acteurs jouer, les émotions exagérées (genre qui en font des tonnes), Larry Clark lui ne mange pas de ce pain là, pour que ces personnages soient crédibles, il les contrôle et en même temps les laisse presque en roue libre. Chaque plan du film est soigneusement découpé, rien ne semble laisser au hasard.
Si le film est indéniablement dramatique, il est aussi très drôle : humour gras, langage cru (une VF particulièrement soignée), insinuations et des personnages assez hors-normes (Michael Pitt, en plus d’être extraordinaire est hilarant), moments d’incompréhensions et euphorie.
Le film nous donne une joie intérieure et il est rempli d’ironie, même pendant la scène du meurtre : il y a quelque chose de drôle.


Le film, par ailleurs, fait beaucoup référence a l’homosexualité et j’ai rarement vu l’homosexualité montrée de manière aussi cru dans un film ou tout court, je n’ai peut-être jamais vu l’homosexualité montrée de cette façon, ainsi pendant la scène du viol : Bobby Kent allume la télé au début et l’écran montre deux types en train de baiser et ça excite Bobby : Alice trouve ça répugnant et dégueulasse. L’homosexualité est visiblement montrée dans le film comme quelque chose de répugnant ; Marty, forcé par Bobby, danse presque nu sur une scène avec d’autres gars pour se faire du fric. Bobby montre aussi à Derek une cassette ou on voit des types sucer des pénis fabriqués avec de l’argile et puis recouvert de peinture.
Pour ce qui est du comportement de Bobby Kent : il fait des tas de conneries mais la chose la plus cruelle qu’il ai sans doute fait, c’est arrivé dans la chambre ou Marty et Lisa sont en train de baiser et de foutre un grand coup de ceinture (un truc pour cheval) dans les fesses de Lisa et il dit : "Elle est à moi." ou un truc comme ça, on ne voit pas la suite.
Pourtant Bobby se montre parfois attachant : quand Marty est fâcher après lui après qu’il l’ai frapper, il s’excuse et dit avec une tendresse rare qu’il vient de faire une connerie, Bobby regrette ses actes et au moment ou il est tué, il supplie Marty mais Marty


l’égorge froidement.


Violer, maltraiter son meilleur ami, inciter des gosses de son âge à se vendre a des types plus vieux, insulter tout le monde (sauf ses parents et le reste de sa famille envers qui il montre un étonnant respect) n’est peut-être pas si rédhibitoire que ça.
Quand à sa relation sado-maso avec Marty, elle est teintée fortement d’homosexualité, il est insinuer (jamais entre eux deux) qu’ils auraient couchés ensemble et que Bobby l’aurait violé lui aussi.
Le film par ailleurs nous encombre de BO, si l’ost est excellente, le film est encombré de BO de rap, la bande de jeunes du film adore Eminem cité plein de fois, montré dans un clip qu’il regarde et sur un poster afficher dans une chambre : c’est leur Modèle, leur Dieu. Je n’ai rien contre Eminem et il colle plutôt bien au film, à la culture qu’il représente mais le reste des citations musicales est lourde (il y en a même une pendant la scène de meurtre), trop lourde : c’est l’un des points faibles de "Bully" : le trop plein de BO.


J’aurais cru que Larry Clark, vu sa réputation aurait filmé ses personnages autrement, sauf qu’il as peu d’audace, il se contente juste de raconter une histoire : point barre.


Mais pour moi "Bully" marque surtout par sa réflexion et aussi une prestation d’acteur : le regretté (mort en 2008) Brad Renfro, extrêmement touchant et sensible. "Bully" mérite d’être revu aussi pour ses personnages attachants et touchants, Larry Clark à sa manière à su tendre une corde de notre cœur, sensible.

Créée

le 7 août 2021

Critique lue 566 fois

Derrick528

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