Nous rencontrons des problèmes techniques sur la partie musique du site. Nous faisons de notre possible pour corriger le souci au plus vite.

Je n’ai pas voulu écrire à chaud sur Burning car mon avis immédiat, qui était justement assez froid, s’est depuis réchauffé. C’est un film dont je suis sorti confus et troublé, et fait rare, je n'ai vraiment pas su quoi penser. Si on m’avait demandé de me positionner en sortant de la salle (dieu merci, non), je me serais dit déçu. J’ai d’abord mis 5, histoire de me notifier. 5 c'est vague, c'est mou, c'est malléable.


Or, il s’agit là d’un récit d’une très grande intelligence et d’une très grande technique. Une histoire vénéneuse qui plante ses épines un peu partout, saignant les doigts calmement, qui ne fait que semer de nombreux (non-)indices plus de deux heures durant pour n’aboutir qu’à autant de questionnements sans réponses, et certainement sans besoin de réponses, jusqu'à ce final glaçant, glacial et enflammé.
Puis j’ai mis 6. Car oui


Lee Chang-Dong aborde un bouquet de thématiques considérable, les éraflent et les entament, en ne leur donnant souvent pas suite . Laissant les tiges sous l'eau de son bouquet sinistre, alors même qu'il en avait élimé toutes les feuilles basses. C’est ça qui est profondément décontenançant. Mais rien n'est gratuit et chaque chose, aussi annexe semble t'elle être, dessine un propos plus grand et trouve sa raison d'être plus loin, qu'on en soit témoin ou non. Un film balafré de suppositions, de détails, de non-dits qui brûlent hors-champs comme ces serres.


(et probablement Hae-Mi)


Ne pas tout voir c'est tout pouvoir imaginer, et pourtant Jong-Soo est de tous les plans, abrasif mais opaque, aux mathématiques mentales indéchiffrables. Il devine, et nous devinons ce qu'il devine, nous dépistons juste, vrai, bien? mal? Le chat, il existe? Et le puits? Et l'Afrique? Et Ben? Et Hae-Mi? Est-ce que c'est vraiment la question?


Alors j'ai mis 7.


Car quelque chose sent le soufre derrière tout ça, et malgré ce rythme qui semble (faussement, mais il faut y repenser) s’essouffler, ou se calmer, en milieu de parcours, il y a toujours cette tension latente, celle des mots qui ne sont pas dits, celle des actes qui ne sont pas faits (ou mal faits). Une certaine violence même, la page blanche et impuissante de l'écrivain face à une cascade énigmatique.


C'est l'histoire de gens seuls qui se croisent dans un apparat crépusculaire , c’est un étrange triangle amoureux, presque surréaliste (pas étonnant que ce soit du Murakami, que j'ai d'ailleurs lu mais oublié), c’est la confrontation de la vase et du clinquant, c’est l’essentiel qui est toujours tu, c'est l'ennui, c'est une histoire sur la Corée peut-être, sur la jalousie peut-être, sur la paranoïa peut-être, sur la frustration certainement.
C’est en tout cas une oeuvre profondément silencieuse et obsessionnelle dans laquelle rien n'est jamais acquis.


Qui a quelque chose d'une course d'endurance.


Et Jong-Soo qui lève enfin la voix et qui dit qu'il l'aime, et l'autre Gatsby d'extrême-orient qui rigole avec son sourire ultra bright .
Et Hae-Mi sur le point de s'évaporer qui danse seins nus dans le couchant sur du Miles Davis, à quelques centaines de mètres de la Corée-du-Nord: magnifique.


Tout en fait se résume à cette scène où elle fait la pantomime:
« Ne te dis pas que ça existe,
Oublie que ça n’existe pas ».


Alors 8, clairement 8, pour le doute qui reste longtemps après la séance, et quand une petite flamme devient un brasier, c'est là la vraie passion.

oswaldwittower
8
Écrit par

Créée

le 30 août 2018

Critique lue 810 fois

13 j'aime

10 commentaires

oswaldwittower

Écrit par

Critique lue 810 fois

13
10

D'autres avis sur Burning

Burning
EricDebarnot
9

L'avventura du petit paysan

Grand admirateur de Murakami dont la prose élégante et minutieuse et le fantastique brumeux sont si difficilement transposables au cinéma, mais aussi confiant dans le talent du rare Lee Chang-Dong...

le 11 sept. 2018

89 j'aime

10

Burning
Rometach
5

Feu de paille

[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en...

le 22 mai 2018

53 j'aime

16

Burning
Velvetman
8

I meet the devil

Habitué du Festival de Cannes, Lee Chang Dong revient sur la Croisette avec Burning, œuvre qui adapte Les Granges brûlées du Japonais Haruki Murakami. Long et faisant parler les non-dits, Burning...

le 29 août 2018

45 j'aime

4

Du même critique

It’s Album Time
oswaldwittower
8

Todd mon amour.

Todd Terje c’est avant tout « Inspector Norse », fulgurance disco-électrique à la mélancolie sous-jacente (et au clip²foufurieux). Une sorte de morceau festif définitif qui fait ici office d’épilogue...

le 27 mars 2014

22 j'aime

Ratcatcher
oswaldwittower
7

Glasgow : du dépotoir à la lune.

Douze ans avant le génial We Need To Talk About Kevin, la rare Lynne Ramsay réalisait son premier long-métrage : Ratcatcher, divagations poético-morbides d'un gamin de 12 ans ayant commis le pire...

le 15 avr. 2013

21 j'aime

Stranger Than Paradise
oswaldwittower
8

La mort du rêve américain.

Une succession de plans séquences fixes, articulés en trois chapitres, filmés dans un noir et blanc profond et contrasté. Dans une Amérique miteuse et morose, trois personnages qui s'ennuient se...

le 16 août 2013

19 j'aime