C.R.A.Z.Y. est un chef d’oeuvre québécois, oui un chef d’oeuvre, tout simplement parce qu’il a raflé une multitude de prix au Québec mais pas seulement, qu’il est impeccablement filmé, que l’ambiance qui enveloppe le spectateur est poussée jusque dans les petits détails qui sont magiquement mis en reliefs, et parce que, dès le départ, Jean-Marc Vallée, qui approchait de la 40aine, voulait un film qui soit un tournant dans sa carrière. Pari tenu.


Dans un premier temps, 14 trophées et une distinction supplémentaire à la Cérémonie des Jutras, qui est l’équivalent québécois des Césars, ce n’est pas rien. Entre autres le trophée de Meilleur Film et Meilleur Réalisateur. Mais ce n’est pas tout C.R.A.Z.Y. a aussi été récompensé au niveau international lors du Prix Génie : 11 prix sur 12 nominations. De plus, le film à fait un million d’entrées pour le Québec seulement, ce qui est tout à fait raisonnable et même de très loin puisqu’à cette époque il n’y avait que 7 millions de québécois.


Jean-Marc Vallée a dit que « [son] film cherche à recréer le style de l’époque par les sensations ». Effectivement l’action se passe dans les années 1970. On suit une famille de cinq enfants, cinq garçons. Les frères ont chacun des traits très caricaturés : Christian l’intello, Raymond le drogué et Antoine le sportif, mais on suit surtout le pénultième Zachary qui peut être considéré comme l’artiste. Yvan n’apparaitra pas énormément à l’écran donc n’a pas besoin d’être caricaturé. C’est un film qui porte sur le corps familial, les thèmes familiers comme le trouble de l’adolescence, les rapports filiaux conflictuels et la quête d’identité sexuelle y sont abordés.


Associée à l’époque, la bande originale électrique mais cohérente respecte tout à fait les standards musicaux de ses années 1970. Avec un répertoire allant de David Bowie à Pink Floyd en passant par Patsy Cline et Charles Aznavour. Les droits concernant la musique ont coûté 600 000 euros canadien soit 11% du budget final. La chanson emblématique du film, CRAZY de Patsy Cline sont les initiale dans l’ordre des cinq garçons de la famille. Effectivement le père est très attaché à cette chanson, elle fait ressortir son côté tendre par-dessus son aspect macho.


C.R.A.Z.Y. est directement inspiré de la vie personnel de François Boulay, le deuxième scénariste avec Jean-Marc Vallée, qui s’est lui-même inspiré de sa propre vie pour le personnage de Zachary (interprété par son fils quand le personnage a 6-8 ans). Le réalisateur a aussi confié qu’il s’était inspiré de La Vie est belle de Frank Capra. Toutefois, pour revenir sur le cas du père de la famille, Gervais, il assume totalement le fait d’être homophobe. Effectivement, il est fière de dire que ses cinq garçons sont dû à son « surplus d’hormones mâles » et pense notamment qu’être homosexuel est un choix qui prive du bonheur. « Tu ne peux pas refuser la plus belle chose qui peut t’arriver dans la vie : avoir des enfants », cette réplique de Gervais montre son incapacité à accepter son fils mais aussi l’amour indéfectible qu’il lui porte.


Effectivement, une grande partie de la problématique du film tourne autour de la quête d’identité sexuelle de Zachary. Déjà étant enfant, il se fait appeler « fifille » qui est l’équivalent de « tapette » soit plus clairement un homosexuel. Les conflits entre lui est son père viennent du fait que ce dernier pense que Zachary est son propre reflet, cependant il ne supporte pas que son reflet prenne un chemin différent du sien. Effectivement, plusieurs idées montre cette recherche d’identité sexuelle comme l’engouement pour David Bowie qui est une personnalité androgyne, la petite amie aux cheveux courts et sans maquillage qui peux être prise pour un garçon, l’attirance pour le garçon aux traits féminins dans la boîte de nuit. Pour contrer tout ça, Zachary étant désireux de recevoir l’admiration réciproque de son père, il adopte un comportement provocateur et excessif qui apaise un minimum Gervais mais le rend étranger à lui-même.


Enfin pour conclure, Jean-Marc Vallée ajoute bien de la profondeur à l’histoire avec la coupure représentée par le passage dans le désert qui apporte aussi une touche d’exotisme. Ce film aborde des questions que tout spectateur s’est déjà posée une fois dans sa vie, ce film plonge aussi le spectateur dans une ambiance envoutante. Un film qu’on prend plaisir à voir et revoir.

EvaCaubel
9
Écrit par

Créée

le 11 mars 2016

Critique lue 1.1K fois

2 j'aime

Eva Caubel

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

2

D'autres avis sur C.R.A.Z.Y.

C.R.A.Z.Y.
Karhmit
5

Critique de C.R.A.Z.Y. par Karhmit

C'est l'histoire d'un gars qui veut pas s'avouer qu'il est gay. Finalement, il craque, et part marcher dans le désert. Quand il revient, il est devenu Romain Duris. Fin de l'histoire. Mais la bande...

le 31 déc. 2010

21 j'aime

3

C.R.A.Z.Y.
BrunePlatine
7

Follement attachant

Ah, le cinéma québécois, quel bonheur ! J'aurais du mal à définir ce qui me plaît le plus chez lui, ce que je trouve de commun chez Villeneuve, Dolan, Arcand ou Vallée (pour ceux que je connais...

le 1 mars 2016

14 j'aime

6

C.R.A.Z.Y.
Fritz_Langueur
10

Scènes de la vie familiale...

C.R.A.Z.Y est une véritable petite bombe cinématographique de par son originalité, sa fraîcheur et son incroyable sensibilité. Avec cette comédie humaine, Jean-Marc Vallee signe là une chronique...

le 11 sept. 2014

10 j'aime

Du même critique

C.R.A.Z.Y.
EvaCaubel
9

ELECTRIQUE ET COHERENT

C.R.A.Z.Y. est un chef d’oeuvre québécois, oui un chef d’oeuvre, tout simplement parce qu’il a raflé une multitude de prix au Québec mais pas seulement, qu’il est impeccablement filmé, que l’ambiance...

le 11 mars 2016

2 j'aime

The Place Beyond the Pines
EvaCaubel
6

Deux parties

La première partie de ce film est plutôt pas mal du tout. Très bon parallèle entre Luke qui tente de ramener des sous à la maison pour Romina qui vient d'accoucher et le jeune agent de la police,...

le 1 févr. 2015

2 j'aime

Zoo ou l'Assassin philanthrope
EvaCaubel
10

Anthropologie

Cette pièce de théâtre est très intéressante. La pièce commence lorsque qu'un anthropologue se rend pour avoir tué son enfant, qui n'est autre que le résultat de la fécondation entre un singe femelle...

le 1 févr. 2015

1 j'aime