Cabal
6.6
Cabal

Film de Clive Barker (1990)

Petit compte rendu de la Nuit Clive Barker qui s’est déroulée au PIFFF le Samedi 24 Novembre de 20h à 6h30 environ (mes yeux étaient trop boursouflés pour lire l’heure plus précisément...). Une nuit dantesque dans tous les sens du terme durant laquelle furent projetés dans l’ordre Nightbreed: The Cabal Cut , Hellraiser le pacte, Hellraiser : Les écorchés et Candyman. J’écris ces lignes le lundi suivant et j’en ai encore les yeux qui piquent, c’est vous dire l’ampleur du carnage. I'm definitely too old for this shit.

Je m'appesantirai plus longuement dans ce papier sur le cas Nightbreed: The Cabal Cut mais la soirée dans son ensemble fut un réel plaisir. Des moments de franche poilade (oui, poilade) quand Julien Maury et Pascal Laugier partagèrent avec nous leurs expériences avec les frères Weinstein lorsqu’ils furent tour à tour pressentis pour réaliser le remake d’Hellraiser. Des moment ‘Quel est le Fuck ?’ lors de la projection de The Forbidden, court métrage experimental bien perché signé Clive Barker. Et surtout une ambiance décontractée montrant qu’au delà des écorchés vifs et de la tripaille débitée au mètre, l’univers de Clive Barker est avant tout fédérateur et ludique.

Pour couronner le tout, la majorité des films furent projetés dans des versions numériques d’une qualité irréprochable donnant souvent l'impression de les redécouvrir. Et que dire de cette programmation équilibrée du meilleur goût ? Hellraiser le pacte, son côté gothique et ses effets latex d’une beauté renversante. Hellraiser : Les écorchés, très connoté Dark Fantasy, inégal mais offrant une respiration grand-gignolesque bienvenue. Et enfin Candyman, ce bijou rescapé des années 90, toujours aussi beau et captivant. Mais le film qui servait ici de plat de résistance, le gros morceau de cette soirée était bien entendu Nightbreed: The Cabal Cut, résurrection très attendu du véritable Nightbreed imaginé par Clive Barker.

Si il existe un film recherché par les fans de cinéma d’horreur, c’est bien le montage original du Nightbreed de Clive Barker. Second film de l’écrivain anglais entant que réalisateur après Hellraiser en 1988, il est souvent considéré comme le Star Wars de l’horreur pour son côté épique et son gros casting de créatures mais fut massacré par la Fox après une succession de mauvaises projections test. Ne sachant comment vendre le film qu’ils avaient entre les mains, les exécutifs exigèrent de Barker qu’il retourne de nombreuses scènes et amputèrent le métrage original de plus d’une heure afin de recentrer l’histoire sur Decker, le personnage de Serial Killer interprété par David Cronenberg. Vendu comme un slasher classique, le film sortit dans les salles dans l'indifférence la plus totale et se vianda allègrement au box office en n'égalant même pas son maigre budget de 11 millions de dollars.

Depuis ce légendaire naufrage bien des rumeurs firent surface concernant l’existence d’un director’s cut enfouit dans les caves de la Fox, mais les années passèrent et tout ça devint de moins en moins crédible. Jusqu’à ce jour bénit de 2010 où deux copies de travail au format VHS furent trouvées par Russell Cherrington et Mark Miller (les fans responsables de la restauration et du montage de cette nouvelle version), derrière une pile de bouquins, dans les bureaux de Barker lui-même. On transféra ces deux cassettes dans un format digital avant de les remonter à l’aide de morceaux du montage original sorti en salle afin d’obtenir le Graal tant recherché : Night Breed - The Cabal Cut, un film de 101 minutes suivant à la lettre le scénario original de Barker.

The Cabal Cut est un film bien plus solide et riche que le montage original. Le principal défaut de Nightbreed (titré Cabal en france) venait principalement d’incohérences dans le déroulement de l’histoire et de trous béants dans le scénario. Ces problèmes ont pour la plupart été résolus. La ‘mort’ de Boone parait plus logique, comme la rencontre entre Lori et Sheryl Ann dans le bar. Plus de liens d’amitiés ou de motivations venant de nulle part, tout est désormais plus clair et donc plus crédible. Le nouveau montage apporte également beaucoup plus d'épaisseur à la relation qu'entretiennent Boone et Lori en prenant le temps de nous montrer des moments d’intimité donnant vie au couple. De manière générale Lori profite le plus de cette nouvelle version. Elle est ici un personnage important, presque central, qui vit sa propose aventure dans le deuxième acte dés qu’elle entre dans Midian. Sa relation avec les créatures est bien plus étoffée qu'auparavant et elle intervient désormais réellement dans le déroulement de l’histoire. Elle n’est plus ‘la petite amie du héros’ sans relief mais une héroïne à part entière avec une personnalité et un charme incontestable.

Ce nouveau montage est aussi un régal pour les amateurs de monstres et d’effets spéciaux de qualité. Les plans sur les créatures de Midian sont bien plus longs et nombreux, s’attardant sur la finesse des maquillages et les somptueux designs de ces freaks, méritant à eux seuls le prix du billet. Si The Cabal Cut a bien une qualité c’est de mettre en valeur le bestiaire fabuleux imaginé par Barker en leur donnant non seulement plus de temps à l’écran mais aussi plus de personnalité et de profondeur. Certains personnages secondaires peuplant cette cité maudite ne font plus tapisserie et interviennent même directement dans le déroulement de l’histoire comme Babette, l’enfant polymorphe entretenant ici une relation complexe avec Lori. Comme le craignait la Fox à l’époque, les monstres sont définitivement, dans cette version, les ‘gentils’ de l’histoire.

Étrangement, même si l’angle mythologique de Nightbreed est amplifié par ce nouveau montage et que l’apport narratif des ajouts est incontestable, on ne peut s'empêcher de penser que le film nécessite encore un nouveau remontage afin de resserrer les boulons. Sous sa forme actuelle le métrage est trop long et renferme de vrais problèmes de rythme. L’idée de se référer au scénario de Barker est louable mais il serait désormais préférable de s’en éloigner à nouveau pour trouver un juste milieu afin de rendre tout cela plus digeste. Beaucoup de temps morts viennent plomber la fin du film lors de l’assaut de Midian, des scènes sans réelle importance ralentissant significativement un dernier acte ne demandant qu’à décoller. Le respect de l’oeuvre originale est une chose mais il s’agit maintenant de livrer un film équilibré, pas la copie conforme boursouflée d’un livre réputé inadaptable (j’y vais fort dans les termes mais vous comprenez l’idée). Le travail accompli par Russell Cherrington et Mark Miller est titanesque, rien à redire là-dessus, mais il serait bon de prendre un peu de recul pour sacrifier du contenu dans l'intérêt de l’entreprise. On entend fréquemment dans les commentaires des réalisateurs nous dire qu’ils aiment telle ou telle scène mais ont dû s’en débarrasser à contrecoeur pour des questions de rythme. Rien de déshonorant là-dedans, cela fait partie du processus de création, même avec un film ayant subit tant d’outrages.

La passion, le soin et le respect investis dans ce nouveau montage de Nightbreed transparaissent constamment à l’écran. En partant de trois sources de qualités variables Russell Cherrington et Mark Miller composent un film parfois totalement flou et parasité (comme un vieux porno dira Cherrington avant la projection), fréquemment affublé d’un malheureux ‘copyright 1989’ en haut de l’image, mais laissant imaginer un véritable joyaux en devenir. La bataille contre la Fox n’est donc pas terminée et si nous voulons un jour admirer tout cela en haute définition il faut absolument nous mobiliser afin de nous faire entendre. Je vous invite donc à visiter OccupyMidian.com pour suivre en temps réel l'évolution du projet et surtout à signer cette pétition si vous voulez un jour retourner à Midian dans des conditions dignes de cette noble production ambitieuse et unique.
GillesDaCosta
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le 29 nov. 2012

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Gilles Da Costa

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