Il y des films que l'on pense avoir apprécié et dont on constate l'abyssale nullité seulement après un nouveau visionnage. Ce fut mon cas avec Cannibal Holocaust que j'avais vu pour la première fois dans les prémices de mon adolescence, quand j'étais à la recherche de sensations fortes et que je voulais me la jouer "underground". Pendant cette période, aussi courte soit-elle, j'en ai vu de toutes les couleurs : violence gratuite, pourriture humaine et sexe ostentatoire. Malgré tout, je retiens de très bons souvenirs de certains de ces films que j'avais chopé à travers les pages du "MadMovies". Des films que je considère toujours comme de très bons films (notamment Schizophrenia et Salo). J'avais découvert un monde qui m'avait montré une nouvelle vision du cinéma et de son esthétique. Et puis de toute façon, tant qu'il y avait du sang, de la chique et du molard; ça ne pouvait que faire jouir mon côté subversif attardé qui sommeillait en moi ( et dans chaque ado je suppose).


J'avais kiffé Cannibal Holocaust, c'était dégueulasse, immonde, nauséabond et outrancier. C'était très très très gore avec son lot de scènes bien dures à encaisser. Il y avait toute la saloperie humaine possible et imaginable dans ce film. Et puis il y avait cette espèce de grain de pellicule si typique de l'époque qui rajoutait un côté plus authentique à l'image. A ça on rajoute la fameuse anecdote du " ouais c'est le tout premier long-métrage qui fait usage du footage-movie", anecdote qui d'ailleurs s'avère être plus ou moins fausse. En bref, j'avais adoré, j'avais même trouvé ça "cool". Quel petit con j'ai pu faire...


Filmer la violence est un parti-pris esthétique qui encore aujourd'hui fait débat au sein des cinéphiles. Est ce qu'il y a un intérêt à montrer la violence dans un film ? Certains diront que oui car elle appuie le propos de l'oeuvre ou bien qu'elle esthétise le film à travers le schéma de la violence. D'autres diront que non car on peut tout à fait s'en passer et qu'il n'y pas forcément besoin de montrer pour choquer ( pensons au film Le septième continent de Michael Haneke par exemple). Quoi que vous pensez sur cette question, vous avez raison et ca n'est pas à moi de vous dire quelle est la bonne réponse. Personnellement, je pense que la violence peut-être effectivement pertinente dans un film. Elle peut accompagner un film dans sa thématique et dans sa mise en scène; mais lorsqu'un film fait le choix que toute sa raison d'être tourne autour de ça, une fois sur deux il risque de se casser la gueule. Et ce fut le cas avec ce Cannibal Holocaust qui s'est littéralement vautré comme une merde.


Toute la campagne du film a tourné autour de ça, autour du fait de voir "de vrais reporters" se faire tuer. On voulait faire croire que le film n'était rien d'autre qu'une archive posthume de journalistes professionnelles en milieu indigène. Bien sûr, il s'agissait d'un gros mensonge et la polémique là-dessus s'est rapidement entassée. La promotion du film tournait autour de son extrême-violence, et c'est d'ailleurs la seule chose que les gens semblent avoir retenus de ce film. Ce film apporte t-il un message important sur la condition des indigènes et sur la manière dont nous les apercevons ? Non il est juste méga-violent. En effet, on sent à travers le film une volonté de retourner son propos. Au début on nous fait croire que les gentils étaient les reporters, et que les grands méchants était les indigènes sauvages et cannibales. Et le film tente ainsi d'inverser les rôles en montrant des "reporters professionnels" ( et j'insiste sur ce mot "professionnel") qui violent, tuent (des animaux et des indiens) et baisent irrespectueusement entre eux devant tout le monde. A partir de là, ça fait déjà prout, qu'est ce que c'est que ce bordel ? C'était ça des "professionnels" à l'époque ? Ou bien il s'agit là d'une tentative d'écriture complètement ratée ? Personnellement j'opte pour le 3eme choix. Le film veut se la jouer subversif en déconstruisant les stéréotypes mais au final il montre une imagerie totalement clichée et tirée d'une vision purement occidentale de l'indigène. Ces derniers nous sont juste montrés comme des hommes déshumanisés et qui n'auraient d'autre réponse à l'injustice que la violence ( du style violer des femmes avec des cailloux et manger des gens quand ils en font trop). Le film se casse lamentablement la gueule dans sa seule conviction narrative. On comprend alors pourquoi la promo du film a juste tournée autour de son lot d'hémoglobines : parce qu'il n y a que ça à retenir. En bref, Un film construit sur des clichés qui veut détruire des stéréotypes, quelle tentative ingénieuse.


Il y a en plus un espèce de voyeurisme malsain qui s'émane tout au long de cette purge cinématographique. On a l'impression que le réalisateur était conscient de la nullité de son script et que la seule solution pour lui d'un potentiel succès était d'emprunter la voie du snuff-movie. Et devinez ce qu'il a fait ce fils de pute pour tenter d'être encore plus choquant avec son étron : il a tué des animaux, pour de vrai et même plusieurs fois lorsque certaines prises étaient ratées. Et c'est là que le bat blesse, on assiste pour de vrai à de la souffrance animale. Quel est le putain d'intérêt ?! Ca plait à quelqu'un d'assister à la décapitation d'un singe ( plusieurs singes ont du être tués pour le besoin du film) ou à l'éventrement d'une tortue ? Quand j'avais vu le film plus jeune, je pensais que c'était pour de faux sinon j'aurais arrêté de suite le visionnage. Il faut être vraiment la dernière des petites merdes pour apprécier ce genre de spectacles, pour prendre du plaisir devant cette horreur et en redemander. Vouloir se prêter à ce voyeurisme totalement abject et moralement dégoûtant est pour moi synonyme d'être tout en de la pyramide des fausses-couches. C'est pratiquement pour ce point qu'à mes yeux le film mérite de disparaître à tout jamais de la mémoire collective, lui et tout l'équipe qui était derrière.


Alors j'en ai rien à foutre des bons points que le film peut avoir. A partir du moment où des êtres vivants ont réellement souffert pour le tournage, il faut dire non et condamner ce film. Le condamner pour son seuil suprême de filsdeputerie et de bassesse. Si vous voulez quelque chose de violent, avoir des sensations fortes ou autres; il y a pleins de films qui proposent ça sauf qu'eux ont un avantage : ils sont pertinents.


En bref, Cannibal Holocaust est une perte de temps qui ne vous apportera rien à part du dégoût. Dommage qu'on ne puisse pas foutre zéro sur senscritique.

BotDDB
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le 10 mai 2016

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BotDDB

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