• Vous vous dites que ce n'est pas un bon plan, n'est-ce pas?

  • Parce qu'il y a un plan ? J'avais l'impression qu'on allait risquer des millions de dollars et des centaines de vies sur un simple jeu de hasard. Que devinez-vous d'autre, Monsieur Bond ?

  • Sur vous, Mlle Lynd ? Que votre beauté pose problème. Vous craignez qu'on ne vous prenne pas au sérieux.

  • Ça c'est vrai de toutes les filles séduisantes qui ont un peu des cervelles.

  • Oui, mais celle-ci veut surcompenser en s'habillant de façon un peu trop masculine. Elle est plus agressive que ses collègues féminines. Ce qui la rend quelque peu piquante, à vrai dire. Et elle a paradoxalement moins de chances d'arriver à se faire accepter et promouvoir par ses supérieurs masculins qui prennent son manque d'assurance pour de l'arrogance. Je crois que normalement j'aurai parié "fille unique", mais... comme vous n'avez pas relevé ma remarque sur vos parents, je pense miser sur "orpheline".

  • D'accord. D'après votre costume vous êtes aller à Oxford, ou l'équivalent. Et vous croyez que les êtres humains portent ce genre de chose. Vous le faites avec un tel dédain. Je dirai que vous venez d'un milieu modeste et que vos camarades ne vous l'ont jamais pardonnée. Vous devez donc vos études aux bonnes grace d'une personne étrangère, d'où ce comportement aigri. Et comme vous avez tout de suite pensé que j'avais perdu mes parents, je dirai que c'est vous l'orphelin.

  • ...

  • Ha ! Vous l'êtes ! Je commence à aimer le poker. Et ça tombe vraiment sous le sens. Le MI6 recrute des hommes mal dans leur peau, qui ne voient pas d'objection à sacrifier les autres afin de protéger le pays et la reine. Vous savez, comme des ex des services spéciaux, aux sourires faciles et aux montres hors de prix. Rolex ?

  • Omega.

  • Magnifique. Comme je viens de vous rencontrer, je n'irrai pas jusqu'à vous traiter de salaud au coeur de pierre.

  • Non, bien entendu.

  • Mais je peux imaginer sans peine que les femmes représentent plus pour vous des plaisirs à la chaîne, que des objets de conquêtes. Alors si charismatique que soyez Mr Bond, je compte bien veiller de près sur l'argent du gouvernement plutôt que sur vôtre exceptionnelle petite queue.

  • Vous avez remarqué.



Le cinéaste Martin Campbell propose avec Casino Royale le redémarrage de l'une des plus grandes sagas cinématographiques, un grand classique du nom de "James Bond". Une refonte du mythe astucieusement et intelligemment conçu amenant à l'espion anglais légendaire une vision plus humaine et moderne. Une prise de risque évidente qui a mon sens rempli et déjoue tout autant les attentes en proposant quelque chose de nouveau, même si ce n'est pas parfait. La différence essentielle entre Casino Royale et tous les opus précédents de James Bond est que tous les éléments qui façonnent le personnage de Bond prennent une place secondaire dans l'histoire, pour avant tout présenter le coeur de l'homme qui se cache derrière les costumes parfaitement taillés, les nombreuses conquêtes féminines sans lendemain, le manque d'implication émotif, jusqu'au fameux "vodka martini".


Une proposition courageuse qui prend des risques qui heureusement paye en faisant tomber le masque de Bond. Martin Campbell réalise une approche instinctive et entreprenant via une mise à jour surprenante qui enchaîne des bonnes idées permettant de réorganiser aux mieux tous les concepts bondiens afin de les faire évoluer à travers un scénario réfléchi. Une proposition rafraîchissante et excitante autour d'un Bond encore inexpérimenté qui vient d'être promu au statut d'agent 007. On se plaît à suivre les aventures de Bond depuis ses origines, permettant ainsi de mieux le comprendre en commençant avec sa toute première mission en tant avant qu'agent du MI6.


On suit un agent tête brûlé inexpérimenté qui à travers cette mission va forger sa légende pour devenir cette figure iconique, mais pour en arriver là il va d'abord passer par des épreuves très difficiles, où le sang et les larmes vont couler à flots pour mieux laisser apparaître sous cette carapace dure et arrogante un Bond fragile ayant du coeur, renforçant ainsi le réalisme de ce James Bond made in Daniel Craig. Certains autres éléments majeurs à la saga demeurent puisqu'on retrouve des femmes à la plastique magnifique avec des looks sulfureux, des divers lieux incroyablement paradisiaques avec des prises de vues aériennes sublimes, jusqu'au fameux générique d'ouverture avec le titre "You Know My Name" interprétée et écrite par Chris Cornell en collaboration avec David Arnold, le compositeur de la musique du film, qui met en avant la dureté et la stature de ce nouveau Bond en occultant totalement la moindre danseuse nue. Un générique d'ouverture saisissant qui fait contraste avec ce que l'on avait l'habitude de voir.




  • Vodka-Martini.

  • Au shaker ou à la cuillère ?

  • Qu’est ce que j’en ai à foutre !



Le récit est habilement conçu en présentant quatre phases distinctes :



  • La première phase avec les 53 premières minutes, laisse place au segment fort de l'intrigue avec une multitude de séquences d'actions plutôt bien fournies avec la scène d'après générique d'ouverture dans laquelle Bond poursuit un poseur de bombe par le biais de grosses cascades furieusement acrobatiques se terminant dans une ambassade, ou encore la lutte acharnée dans un aéroport pour empêcher l'explosion d'un avion. Avec cette phase on se focalise totalement sur ce Bond réinventé qui est présenté comme un prédateur déterminer qui ne lâche jamais sa proie via une attitude rustre qui ne laisse place à aucune émotion.
    Un premier chapitre que je titre : "Tête brulée".


  • La deuxième phase, se pose comme une transition qui laisse place à une partie de poker avec un enjeu très élevé. Pour cette seconde partie les dialogues prennent une autre tournure en tendant le tout vers une finesse très appréciable grace à de nouveaux personnages qui se greffe astucieusement à l'histoire permettant ainsi à Bond d'évoluer en apprenant de chacun d'eux.
    Un second chapitre que je titre : "Apprend et évolue".


  • La troisième phase (plus courte que les deux autres), laisse apparaître un tout autre Bond qui s'ouvre totalement en vivant le parfait amour au point de vouloir tout laisser tomber. Une proposition aussi surprenante qu'intelligente qui va humaniser James Bond et l'ouvrir aux autres. Une approche hautement tragique et dramatique qui laissera place à une séquence mythique déchirante.
    Un troisième chapitre que je titre : "Amour et conséquence".


  • Vient enfin la dernière et quatrième phase, qui ne correspond qu'à quelques minutes qui s'avère pourtant cruciale puisque c'est dans ce passage que l'on voit enfin apparaître le seul et unique agent 007.
    Un quatrième chapitre que je titre : " Je m'appelle Bond, James Bond".



Une proposition scénaristique habile et imprévisible qui laisse tout du long place à des retournements de situations à travers des scènes marquantes comme la séquence de torture, la scène de l'empoisonnement, ou encore des combats physiques sous tension, mais aussi une romance magnifiquement illustrée avec des enjeux crédibles où le monde n'est pas menacé, seulement le porte-monnaie des banquiers. Un condensé d'idée que Martin Campbell a su intensifier via une mise en scène qui assure des angles de caméras parfaits (notamment durant la partie de poker), une atmosphère tendue et une musique magnifiquement employée.




  • Je crois que je vais l’appeler Vesper.

  • Parce qu’il a un arrière goût amer…

  • Non… Car quand on y a goutté, on n’a envie de rien d’autre.



Daniel Craig sous les traits de James Bond est étonnant avec son visage marqué et transpirant qui laisse apparaître un physique carré avec une tignasse blonde et des yeux bleu clair. Une vision très éloignée de la figure mythique que je me fais de l'agent 007. Cependant la nature plus humaine, sensible et fragile de Craig permet de nouet un lien avec celui-ci. Une proposition de l'agent 007 qui fait du bien à voir. En tant que Bond girl, Eva Green dans le rôle de Vesper Lynd propose un personnage complexe qui ne se résume pas qu'à son physique (bien qu'elle soit magnifique avec ses grands yeux), laissant avant tout place à une vulnérabilité saisissante. Elle incarne un personnage que j'aime beaucoup. Le lien qu'elle crée avec Bond est sensationnel. Les dialogues entre les deux tourtereaux sont autant amusants que percutant avec une évolution palpable entre ceux-ci.


Mads Mikkelsen (comédien que j'adore) en tant que Le Chiffre offre un antagoniste de taille avec son dérèglement oculaire ayant pour conséquence de le faire pleurer des larmes de sang. Un personnage impitoyable et manipulateur qui aime jouer au poker autant dans le fond que la forme et qui excelle dans l'art de torturer. Mikkelsen joue au poker non pas par but personnel, mais parce qu'il doit une énorme somme d'argent à des criminels qu'il a placés en bourse et perdus à cause de l'intervention de Bond. Une motivation particulièrement intéressante qui le place tout du long en mauvaise position, ainsi qu'en victime pour qui le temps est compté. Même s'il n'a pas de confrontation ultime à proprement parler avec Bond, il offre un adversaire de taille à celui-ci sur la table de poker du Casino Royale. Parmi les personnages secondaires on retrouve quelques têtes intéressantes avec Judi Dench en tant que "M", Jeffrey Wright pour Felix Leiter, Giancarlo Giannini en tant "Mathis", ou encore Ivana Milicevic sous les traits de Valenka, la petite amie du Chiffre, qui certes parle peu, mais permet au moins de rendre l'antagoniste plus consistant.


Parmi les problèmes de Casino Royale (eh oui il y en a), il y a en premier lieu un problème du rythme évident avec ce film un peu trop long dont on aurait pu se passer facilement d'une quinzaine de minutes. Problème également autour des antagonistes, car même si j'adore Mads Mikkelsen en tant que "le Chiffre", il n'est pas suffisamment employé pour en faire un grand méchant mémorable ce qui est dommage. Heureusement, on peut tout de même profiter de quelques séquences où celui-ci marque l'esprit. On aurait pu en espérer plus, notamment avec les autres ennemis qui finalement ne seront qu'un feu de paille dans un final qui certes dramatiquement parlant est extraordinaire, mais qui d'un point de vue action se résume à peu de choses. En gros, on ne retiendra rien du tout de cette confrontation ultime (pas même l'antagoniste mystère avec son oeil en moins), si ce n'est le passage tragique qui sera à l'origine d'un final mélancolique incroyable.


CONCLUSION :


Casino Royale réalisé par Martin Campbell est un film James Bond qui dépoussière totalement le mythe à travers un récit aussi dur que chaleureux mettant en avant des séquences habilement introspectives via une réalisation soignée. Bien que quelques défauts demeurent, cette première entrée en la matière pour ce nouvel Âge de l'agent 007 est une réussite qui place la barre assez élevée. Bravo aux comédiens Daniel Craig, Éva Green et Mads Mikkelsen qui sont ultras convaincants (sans oublier une pléiade de rôle secondaire convaincant). On n'est pas passé loin d'un sans faute, dommage, mais je ne boude pas mon plaisir devant ce film que j'ai redécouvert avec intérêt.


La légende de James Bond commence ici.




  • Le mot de passe, je vous pris.

  • Ça me gratte un peu, en dessous, vous voulez bien ?
    ... (Il lui frappe les testicules) ...

  • NON ! HA ! NON ! HA ! Sur la droite, sur la droite, SUR LA DROITE !

  • Vous êtes un vrai comique, monsieur Bond.
    ... (Il frappe à nouvau les testicules) ...

  • YAH ! HA ! HA ! OUI ! oui, ou...i ... Ha ! Ha ! Ha ! Maintenant, le monde entier saura que c’est en me grattant les couilles que vous êtes mort.

  • Je vous demande pardon ? Je suis mort ? Je suis mort ?

  • Oui, vous aurez beau vous acharner, je ne vous révèlerai jamais le mot de passe. Vos clients vous traqueront et ils vous découperont en petits morceaux et vous agoniserez.


B_Jérémy
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs James Bond avec Daniel Craig

Créée

le 25 avr. 2021

Critique lue 1.2K fois

64 j'aime

71 commentaires

Critique lue 1.2K fois

64
71

D'autres avis sur Casino Royale

Casino Royale
VesperLynd
10

The bitch is dead

L'un des meilleurs de la saga, que l'on doit à Martin Campbell, celui-là même responsable du retour de Bond en 1995 avec "GoldeneEye" (pour moi le meilleur avec Pierce Brosnan). Concernant Daniel...

le 12 déc. 2013

67 j'aime

13

Casino Royale
B_Jérémy
9

Il était un début...

Vous vous dites que ce n'est pas un bon plan, n'est-ce pas? Parce qu'il y a un plan ? J'avais l'impression qu'on allait risquer des millions de dollars et des centaines de vies sur un simple...

le 25 avr. 2021

64 j'aime

71

Du même critique

Joker
B_Jérémy
10

INCROYABLE !!!

La vie est une comédie dont il vaut mieux rire. Sage, le sourire est sensible ; Fou, le rire est insensible, la seule différence entre un fou rire et un rire fou, c’est la camisole ! Avec le Joker...

le 5 oct. 2019

170 j'aime

140

Mourir peut attendre
B_Jérémy
8

...Il était une fin !

Quel crime ai-je commis avant de naître pour n'avoir inspiré d'amour à personne. Dès ma naissance étais-je donc un vieux débris destiné à échouer sur une grève aride. Je retrouve en mon âme les...

le 7 oct. 2021

132 j'aime

121