Disons le d'emblée : le nouveau film d'Apichatpong Weerasethakul est sublime. Aucune déception, c'est au niveau du reste de l’œuvre, qui est pour moi la plus importante de son époque. Car rappelons-le : il est pour moi le plus grand cinéaste en activité, c'est dire la pression en allant voir un nouveau film... Mais Cemetery of Splendour, qui tient les promesses de son titre sublime, est un film calme, apaisé, presque autant que Blissfully Yours (son meilleur à mes yeux). Il reprend pourtant les structures narratives alambiquées de Syndromes & A Century ou de Oncle Boonmee, il parle lui aussi de sujets graves, lourds, profond, mais pourtant c'est un film doux, dans lequel on se love avec douceur. C'est simple, le film ressemble parfaitement à ce qu'on ressent quand on est en Thaïlande, le climat, l'odeur, la lumière, les sons, l'ambiance, tout ce qui fait le pays se ressent dans le film. Le film est simple donc, si tant est que, comme d'habitude, on accepte de s'abandonner à lui, de ne pas chercher à recoller les morceaux, et de se laisser bercer, de ne pas chercher de logique évidente, et d'accepter que la seule logique valable ici est celle du rêve. C'est en collant les différents blocs de temps les uns aux autres que le sens général se fait, pas en essayant de décrypter chacun des tronçons, de les analyser et du coup de leur ôter leur substantifique moelle. En cela, j'ai souvent comparer le cinéma de Joe (surnom pratique) à celui de Lynch. Ils ne se ressemblent pas vraiment, à vrai dire, mais pourtant tout deux répondent uniquement de la logique du rêve. Essayez de rationaliser un film de David Lynch, et toute la magie s'en va. C'est pareil ici. Et ce qu'il y a d'autre de commun, c'est que l’œuvre de ces deux cinéastes ne ressemble à rien de connu. Cemetery of Splendour parle de la mort, de la maladie, du sommeil, du rêve, de l'enfance, de la croyance, de la réincarnation, de la filiation, de l'amour. Que des thèmes forts et profond mais tous mêlés, et abordés non pas avec nonchalance, mais avec un relâchement et une simplicité qui est le propre de l'Asie du Sud Est. J'ai cru comprendre que Weerasethakul allait quitter la Thaïlande (pour raison politique) et réaliser ses prochains films dans un autre pays, vraisemblablement occidental. Ce n'est pas que je suis inquiet, mais je me demande ce que ça va donner dans l’œuvre et le pays me semblent, ici encore plus qu'ailleurs, totalement indissociables.
Sinon, c'est bien évidemment le film de l'année.
Juste devant le Green, l'autre plus grand cinéaste actuel. Bon cru, donc, que cette année 2015.

FrankyFockers
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le 4 sept. 2015

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