Et Clair dans la Vie Morose - La Lumière des Sourires

Bien qu'un peu tardif je voulais rendre un petit hommage à Phillipe Clair de son véritable nom Prosper Bensoussan qui nous a quitté en novembre 2020. Ce réalisateur et acteur né au Maroc restera peut être dans l'histoire du cinéma français comme le champion absolu de la bonne grosse comédie franchouillarde et le plus grand pourvoyeur de nanar de l'hexagone. Mais moi quelque part je l'aime bien Philippe Clair, il faut dire que celui que Alice Saprich avait surnommé affectueusement le Fellini du burlesque pour sa démesure a construit sa filmographie toute entière avec l'exubérante générosité de ses origines. Phillipe Clair qui entassait de milliers de gags dans des cahiers rangés scrupuleusement dans d'immenses armoires et qui ne concevait les gags qu'en rafales de douze à la minute n'a jamais eu d'autre prétentions que d'amuser et divertir les gens avec ses films tout en se faisant régulièrement défoncer par toutes les critiques. Alors bien sûr que les films de Phillipe Clair sont mauvais et qu'ils sont d'imbuvables comédies bien plus lourdes que la lourdeur elle même et la mort ne va pas lui donner soudainement aujourd'hui la respectabilité d'un grand cinéaste; mais j'aime bien cette générosité désordonnée de sale gosse qui risquerait tout pour un sourire même si il restera le plus souvent de consternation.

Mais revenons à Ces Flics Etranges Venus d'Ailleurs sorti en 1979 sur les écrans et qui est le dernier volet d'une trilogie commencé avec Comment Se Faire Réformer et sa suite Les réformés se Portent Bien. Sergio Leone a sa trilogie du dollar , Peter Jackson sa trilogie de L'anneau, Sam Raimi sa trilogie Evil Dead et Phillipe Clair aura sa trilogie des 13 cloches du nom de la bande de treize comédiens (Dont Hervé Palud futur réalisateur de Un Indien dans la Ville) qui joueront plus ou moins dans les trois films.

Dans Ces Flics Etranges Venus d'Ailleurs on retrouve Tonton Merguez (Phillipe Clair) l'ancien adjudant militaire devenu policier dans une petit ville balnéaire en bord de mer. L'homme retrouve par hasard les anciens bidasses de la chambrée 13 qui sont tous devenus chômeurs et il décide de les engager dans son commissariat surtout qu'un gang aidé d'un hypnotiseur braque les fourgons dans la région.

Comme souvent chez Phillipe Clair l'histoire restera une vague toile de fond pour enchainer les gags et les situations burlesque durant 90 minutes qui sembleront une éternité pour l'immense majorité de spectateurs normalement constitués. Car une comédie de Phillipe Clair ce sont des acteurs complétement en roue libre qui rivalisent de cabotinage forcé, des jeux de mots bien foireux (Madame Ravi , fille de joie rue de la gaité), des concours d'accents de toutes sorte (Belge, pied noir, marseillais, italien), du burlesque (des laveurs de vitres face à une porte automatique en fonction), du grotesque, du ubuesque et des délires cartoonesque de bande dessinée . Dans ce film on retrouve donc les 13 cloches, une bande comédiens qui s'imaginaient sans doute devenir les charlots version équipe de foot mais qui sombreront plus ou moins tous dans l'oubli par la suite. Les 13 comédiens incarnent 13 stéréotypes de comédie d'un autre siècle avec le belge, le marseillais,, le hippie, la grande folle, le costaud, le bègue , le précieux ridicule et d'autres plus obscurs, du moins dans ce film qui a bien du mal à faire exister tout le monde. Amoureux de la finesse et de la nuance c'est aux personnages bien gratinés que Phillipe Clair réserve le plus de place à l'écran notamment Daniel Derval qui incarne à outrance une caricature d'homosexuel qui voudrait une matraque rose, Eddy Jabès qui sous ses faux airs de Claude Villeret incarne un belge tout en accent qui fait cuire ses frites dans l'eau quand la météo annonce une mer d'huile bien chaude et Pierre Triboulet un étonnant personnage complétement lunaire au langage précieux et aux cris stridents de jeune pucelle. Ces Flics Etranges Venus d'Ailleurs est un festival de gags qui tombent à plat, d'humour de cour de récréation, de gesticulations, de situations débiles assumées avec jubilation dans lesquels celui qui semble le plus s'amuser reste Phillipe Clair qui en plus de la jouer sur le velours de son humour pied noir nous offre des imitations tombés du ciel de Napoléon et John Travolta. Alors oui le film se vautre dans un humour franchouillard, beauf pouet pouet et bon enfant mais finalement assez réjouissant et rafraichissant comme un grand bol d'air venant d'une fenêtre ouverte au dessus du local à poubelles. Si le film ressortait tel quel aujourd'hui je crois qu'il trouverait dix ou douze associations sur sa route pour hurler aux scandales, car entre une blague autour d'une tentative de viol, un black face avec un belge qui voulait travailler au noir, la caricature ridicule de l'homosexualité, quelques petites blagues racistes et des chats qu'on tente d'écraser Philippe Clair semble vouloir rire de tout quitte à souvent mal le faire.

Je n'irai pas jusqu'à conseiller ce film étrange venu d'ailleurs, ce film qui vient d'une autre époque, ce film qui vient d'un esprit frondeur pour qui le gag était une respiration , ce film qui restera pour l'éternité un formidable nanar de la comédie française dans ce qu'elle pouvait faire de plus affligeant. Car oui Phillipe Clair restera sans doute dans l'histoire du cinéma français, pas comme le premier de la classe qui reçoit lauriers et récompense, pas comme ces élèves moyens et appliqués à la mention peut mieux faire, mais comme ce cancre lunaire assis tout au fond de la classe qui rêve en regardant par la fenêtre et qui attends la récréation pour aller raconter des blagues à ses camarades en agitant les bras avec moult des grimaces et peu importe qu'on lui colle le bonnet d'âne si il en retire quelques sourires. Philippe Clair se définissait lui même parfois comme le chef des merdes tant les succès de son cinéma populaire ont entrainés ensuite des films encore plus mauvais que les siens, rappelant à demi-mots qui si il était un mauvais réalisateur il avait au moins le privilège d'une certaine authenticité. Phillipe Clair est mort le 28 novembre 2020 et il nous laisse en héritage de nombreuses comédies affligeantes qui feront toujours les belles soirées des amateurs de nanars consternants et pour ça j'ai juste envie de lui dire Merci !!