Chained
6.7
Chained

Film de Jennifer Lynch (2012)

Dans la famille Lynch, je demande la fille, Jennifer. Comme son illustre papa qu'il n'est nul besoin de présenter, celle-ci s'est orientée vers le cinéma. Mais la comparaison avec son génie de géniteur va s'arrêter là car elle ne boxe pas dans la même catégorie : quand David nous offre des chefs-d’œuvre de surréalisme et d'onirisme complètement fous et tordus, Jennifer se tourne vers le thriller vicieux à rebondissements. "CHAINED", son troisième long-métrage, est de cette lignée : un film à suspense pervers et dérangeant.

Question mise en scène, Jennifer Chambers Lynch a été à bonne école, entre des études dans une très prestigieuse école d'arts du Michigan et les rudiments inculqués par son paternel (elle a d'ailleurs collaboré avec lui sur le génial "Blue Velvet"), et cela se ressent sur sa façon de filmer. Les cadres sont très soignés, sa caméra se montre rapidement adepte de beaux plans fixes avec une grande profondeur de champ. Elle retranscrit ainsi une ambiance voyeuriste et contemplative, pour tenter de nous faire ressentir au plus près l'horreur subit par un gamin enchaîné au mur de la maison d'un psychopathe, contraint de l'accompagner et de l'assister dans ses plus sordides pulsions. A ce propos, Vincent D'Onofrio (le légendaire Soldat Baleine du "Full Metal Jacket" de Kubrick, davantage connu aujourd'hui pour la série policière "New York, section criminelle") est assez bluffant et bougrement inquiétant en bourreau fêlé et impitoyable, aussi sadique que froid. La relation quasi-filiale qu'il entretient avec son jeune esclave et futur élève n'est pas sans rappeler celle d'un démiurge et de sa créature (Mary Shelley, si tu nous entends...), ou encore le vieux mythe du "tuer le père" planant forcément au-dessus de la tête de la progéniture d'un des plus grands réalisateurs de son époque (Sofia Coppola, si tu nous entends...

Mais voilà, plus "CHAINED" avance, et plus il perd littéralement de sa très bonne aura de départ. Les louables intentions esthétiques et scénaristiques de la réalisatrice se liquéfient progressivement, notamment pour mettre en avant le passé du personnage de D'Onofrio au cours d'inutiles scènes de flashbacks au visuel saturé, censées justifier, de façon assez grossière il faut le dire, son comportement. Encore un film qui se perd bêtement dans les méandres du "je-veux-tout-expliquer, je-veux-tout-expliciter". Le mystère, l'inexplicable et l’ambiguïté sont pourtant d'excellentes armes pour créer une atmosphère encore plus troublante et oppressante. David Lynch aurait pu transmettre ça à sa fille tout de même !

Ce quasi huis-clos âpre et poisseux montre d'autres faiblesses coupables sur la distance : il a bien du mal à sortir de son schéma originel, s'enferme dans une sorte de répétitivité, et peine à faire évoluer pleinement la guerre psychologique entre le tueur et son "apprenti" que l'on était en droit d'attendre. C'est bien dommage, car le scénario réussit parfois à offrir quelques bonnes surprises pour nous tenir en haleine ; pour finalement s'écrouler lamentablement au cours d'un des twist de fin des plus pitoyables de toute l'Histoire du cinéma ! En effet, celui-ci est tellement grotesque et irrationnel que l'on se demande bien comment ceux qui l'ont écrit ont pu le faire en y croyant dur comme fer... Voilà comment flinguer, en un retournement final improbable et ridicule d'à peine 5 minutes, un long-métrage qui se tenait plutôt correctement jusque-là...

"CHAINED", presque parfait dans sa première partie, se saborde donc tout seul, comme un grand, sans avoir besoin de tenir la main de papa, et c'est une très grosse déception car il y avait là matière à faire vraiment un bon thriller bien malsain et angoissant comme on les aime. Au final, on ne retiendrait même presque que les défauts de ce film bancal et inégal, chose un peu injuste je vous l'accorde. Mais ce n'est pas comme ça que la fille Lynch réussit à s'émanciper et à se faire un prénom.

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JeanVacances
5
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le 23 nov. 2013

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