Après le Chaos, vint enfin l'ordre

Hier soir, alors que j'essayais de trouver un film qui pouvait me faire oublier une chose abominable que j'ai apprise et qui m'a enlevée le peu de courage qui me permettait de ne plus avoir peur de cette saloperie dont on a parlé hier, mon père a eu la bonne idée de passer sur la chaîne Numéro 23.

Je ne connaissais pas vraiment ce film (même s'il me paraissait un tantinet familier), et donc, j'ai tenté de le regarder, juste par curiosité.

Tout d'abord, l'histoire. Même si elle est somme toute banale (délit de fuite, une prostituée qui est battue par ses maquereaux, la famille bourgeoise etc), elle arrive quand même à attirer, à intriguer. En effet, tout commence par un couple qui deviennent malgré eux, les témoins d'une agression sur la personne d'une prostituée. Néanmoins, au lieu de lui porter secours, Paul, le mari verrouille les portières afin qu'elle n'entre pas dans la voiture, et avec sa femme, ils s'enfuient tandis que les proxénètes de la jeune femme lui portent des coups avec une violence bestiale jusqu'à la laisser pour morte. Prise de remords et de culpabilité, sa femme Hélène souhaite se racheter en essayant de savoir si la jeune femme est encore en vie, et l'hôpital dans lequel elle se repose. Après un pronostic vital très critique et moults arrêts cardiaques et autres complications, Malika parvient à réchapper à la mort. Ainsi, on assiste au début d'une histoire palpitante pour Hélène, habituée à vivre platement entre un mari froid et lâche, la mère de celui-ci qu'il ne visite pratiquement pas, et d'un fils aussi désinvolte que coureur de jupons.

Chaos. Le mot-clé de la totalité du film. Le chaos de la vie d'Hélène, qui va se désagréger au fur et à mesure que les péripéties s'enchaînent les unes après les autres. Le chaos de la vie de Malika, dont on découvre petit à petit le triste parcours qui la mène jusqu'au trottoir et à la cruauté de la gente masculine. Le chaos tout au long de l'histoire, provoqué par une myriade d'évènements qui va bousculer chacun des personnages.

Ce qui m'a le plus plu dans ce film, c'est surtout le côté "policier" avec l'enquête, le suspense avec la menace des proxénètes planant tels des vautours (qu'ils sont), sans oublier bien sûr le côté "seule contre tous" servi par une Catherine Frot qui est parfaite pour ce genre de rôle. En effet, Hélène est à la base une simple bourgeoise qui n'a pas l'étoffe d'une héroïne, et qui pourtant, va s'affranchir de sa vie et aider une personne en détresse, en faisant fi des dangers qui pourraient la menacer à son tour. Je pense qu'il s'agit là de l'un des éléments du filmqui m'ont le plus marquée.

Ensuite, pour les thèmes abordés et les travers dénoncés tout au long de l'histoire. En premier lieu, la lâcheté. Au lieu de vouloir porter secours à Malika, ou ne serait-ce même que le simple fait de téléphoner à la police ou de demander de l'aide, Paul préfère s'enfermer dans sa voiture, comme pour mieux fermer les yeux sur l'abrupte réalité, et va même jusqu'à effacer toutes les traces de l'agression afin de ne pas éveiller les soupçons... Eh oui, un scandale chez les gens "bien", cela n'existe pas voyons, et si cela doit arriver, il ne faut rien en dire. *mode sarcastique ON*

Vient alors la condition de la femme. D'un côté on a une femme riche, mais esclave de sa cage dorée et presque réduite à l'état de simple potiche (Hélène), et de l'autre, une femme détruite, qui subit le mépris, l'indifférence et la violence des autres, n'étant ni plus ni moins qu'un bout de chair fraîche que l'on peut consommer, et elle aussi esclave (Malika). On a également la femme vieillissante, abandonnée (la mère de Paul), la femme trompée (le cas des conquêtes de Fabrice) ou encore la femme dont on tente de contrôler la vie et à qui on refuse l'égalité et les envies (Malika et Zora). Pour traiter de ce sujet-là, d'autres viennent s'y greffer, à savoir la prostitution en elle-même et le poids des traditions.

Hélas très souvent victimes de trafics dignes de la traite négrière, et de l'engrenage infernal dans lequel elles sont jetées par manque d'argent, par manipulation et autres maux, les prostituées se voient ainsi envoler leur dignité, et souvent à cause d'une trahison. En l'occurrence, ce qui a projeté Malika tout droit dans la gueule du loup, fut d'avoir fui un père abject, ne pensant qu'à l'argent et à ses fils, et ayant poussé sa femme au suicide après que celle-ci eut le malheur de se consoler dans les bras d'un autre d'une part ; et de l'autre, un manque d'argent suite à ce père qui l'a reniée après avoir refusé de s'unir à un vieillard contre son gré. Et le film le montre particulièrement bien, avec les gestes ignobles de la part de la "belle-famille" (en gros l'autre femme du père de Malika et ses fils), un machisme archaïque, et puis ensuite, lorsque Malika croise le chemin de Touki, qui au départ se montre tout sucre tout miel avec elle avant de lui faire subir les pires sévices possibles (maison de "dressage" où elle est violée quotidiennement, droguée de force afin qu'elle devienne accro à la drogue pour avoir une meilleure emprise sur elle, forcée d'exécuter le plus vieux métier du monde, battue...).

Du côté d'Hélène, ce n'est guère glorieux car Paul la néglige, lui interdit de porter secours à Malika (car encore une fois, ouuuuh le vilain scandale qu'il faut éviter, surtout si cela entache l'image de Monsieur) ou de prévenir la police, ne se rend même pas compte de l'affection de sa mère, et par-dessus le marché, tombe sous le charme de Malika qui utilise le même processus de séduction que pour Blanchet, et qui tente de cacher cet évènement.

Ce qui est impressionnant aussi, c'est que dans ce film, il n'y a pas un homme pour rattraper l'autre. en effet, hormis le seul à peu près "correct" pourrait être Blanchet le multimilliardaire, et encore... Ainsi, on assiste à un duel homme lâche VS femme forte d'un bout à l'autre du film.

J'avouerais qu'il y a eu des scènes qui m'ont marquée et qui illustrent bien chacun des points évoqués ci-dessus. Tout d'abord, lorsque Hélène s'aperçoit que Malika/Noémie a été emmenée par ses anciens employeurs (voulant à tout prix mettre la main sur l'argent qu'elle a obtenu en Suisse) et qu'elle se bat physiquement contre eux afin de sauver sa protégée, risquant même d'être elle-même considérée comme la coupable de l'enlèvement (!). Egalement les flash-backs de la vie de Malika, qui m'ont profondément attristée (surtout que ce genre d'histoires existant réellement n'arrange rien)... Après, quelques scènes qui m'ont amusée, comme notamment le passage où Hélène frappe l'une des proxénètes avec une planche (première visite à l'hôpital) ou encore le mini-vaudeville. Lorsque Zora se rebelle contre sa famille et est tentée de revoir sa grande sœur et de fuir avec elle, et qu'elle a commencé à cogner les garçons qui la traitaient encore une fois comme une esclave, j'ai failli laisser échapper un "Alléluia" jouissant d'un juste retour de manivelle. J'ai aussi apprécié la réplique de Malika à son père, qui la maudit ("Je te donne ma malédiction!" )pour avoir empêché sa jeune sœur de lui rapporter de l'argent, et qu'elle lui répond "Tiens, c'est bien la première fois que tu me donnes quelque chose." Tout comme j'ai adoré le moment où Hélène rétorque à son mari et son fils alors que l'un se plaint de son absence, et l'autre lâche un "fait chier" car il ne veut pas manger du poisson (pourtant c'est bon le poisson ToT"' ).

Après, était-ce voulu par la réalisatrice ou non, mais je trouve qu'à la toute fin du film, lorsque les quatre femmes sont réunies face à la mer, et qu'il y a un travelling sur leurs visages, personnellement j'y vois comme une sorte de message indiquant "à n'importe quel âge, quelque soit ses origines, peu importe sa confession, peu importe sa situation ou sa génération, la femme reste toujours marquée par son fardeau, cherchant l'égalité, un amour qui ne se réduit pas à un plan cul, la reconnaissance dans la société, le respect, la vérité et la sincérité".... Chacun est libre de l'interpréter (ou non) comme il veut, mais honnêtement c'est ce que j'ai cru ressentir à travers ce procédé... Après il se peut que ce soit moi qui grossit trop le trait...

C'est pour toutes ces raisons que je décide de lui attribuer la note de 7/10. Je le recommande volontiers (même si je tiens à prévenir certains qu'il y a deux-trois scènes très, très dures) et je remercie mon père de me l'avoir fait découvrir. ~
Vernièra
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le 5 févr. 2014

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