Pascal Bonitzer se défend d’avoir voulu faire un film à propos des sans-papiers, ce dont on lui sait gré. En effet, si telles avaient été ses intentions, nous pourrions exprimer une rogne teintée de rancœur face à une vision aussi peu crédible, tellement dénuée de liens avec la réalité. Ce qui intéresse le réalisateur scénariste de Rien sur Robert, c’est davantage l’incapacité manifeste de son héros, Damien, sinologue qui donne des cours à de futurs hommes d’affaires qui visent les marchés asiatiques, à communiquer avec les autres, et surtout avec son père, influent conseiller d’État à qui il doit demander un service dans ses compétences. Une sorte de passe-droit qui empêchera l’expulsion d’une immigrée clandestine. Les maladresses de Damien engendrent des situations de plus en plus compliquées, s’imbriquant les unes aux autres, finissant par causer pas mal de dégâts sur son existence et celle des autres. Pusillanimité, couardise, petites lâchetés ordinaires ou même inintérêt légèrement ennuyé face à la vie et les tracas des autres : la barque serait donc bien chargée pour Damien. Néanmoins l’homme bougon et quelque peu désabusé (auquel prête ses traits un Jean-Pierre Bacri décidément fidèle à son registre coutumier) sait faire preuve d’énergie et de décision dans l’éducation de son fils ou la relation avec sa compagne – surtout lorsque celle-ci finit par battre de l’aile. Comme toujours, chez celui qui écrivit pour Jacques Rivette et André Téchiné, le scénario labyrinthique, à tiroirs, est truffé de références littéraires et s’incarne à merveille dans le milieu intellectuel et artistique des arrondissements centraux de Paris (ici le quartier du Palais-Royal). En dépit de la fréquentation desdits milieux, Pascal Bonitzer n’évite pas quelques lieux communs, principalement quand il s’agit de dépeindre l’univers du théâtre, incarné ici par une metteuse en scène qui lorgne avec envie sur le jeune et beau comédien qu’elle fait répéter. Au cœur des appartements haussmanniens où les parquets grattent et les murs débordent de livres, des bars et des restaurants chics où trainent les silhouettes des copains (Benoît Jacquot et Jackie Berroyer), la comédie déploie avec plaisir ses ramifications. Mais cela reste bien au niveau de la comédie, bien écrite et rythmée, servie par une brochette d’acteurs en verve – alors que les deux actrices, Kristin Scott-Thomas et Isabelle Carré, semblent faire œuvre de figuration décorative. Soit un bon moment, dont les effets s’évaporeront rapidement.
PatrickBraganti
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le 6 sept. 2012

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