L'hommage aux chevaux de guerre par Steven Spielberg
Après l'adaptation des aventures de Tintin moins réussie qu'on l'attendait sans être totalement ratée, Steven Spielberg revient moins de 4 mois après chez nous avec son nouveau film : Cheval de Guerre (War Horse). Revenant à la guerre, thème qui hante son cinéma, Spielberg propose ici d'aborder la Première Guerre mondiale (un conflit qu'il n'avait jamais filmé) par la relation amicale entre un cheval, Joey, et un fils de fermier qui s'est pris d'affection pour l'animal, Albert.
Si l'histoire, grande fresque romanesque qui s'étale sur plus de 2H30, est bien évidemment centrée sur le cheval Joey, Steven Spielberg fait de ce cheval l'étendard des 4 à 8 millions de chevaux qui périrent pendant la Première Guerre mondiale. Le réalisateur rend un vibrant hommage à ces bêtes qui périrent avec les hommes sur leurs dos. D'ailleurs, il est intéressant de noter l'alchimie entre l'homme et le cheval montrée dans ce film : que ce soit le propriétaire anglais, l'officier anglais, le grand-père français ou le soldat allemand, chacun d'entre eux s'applique à respecter l'animal et ses souffrances. Si certains pourront trouver l'angle d'attaque dans ce film quelque peu niais, moi, j'y ai vu là un grand film humain qui retourne vers des valeurs primaires sans doute en perdition (l'amitié (entre le cheval et l'homme) ou encore la solidarité (les encouragements des gens du village au début du film pour aider Albert et Joey à labourer une terre peu fertile, l'entraide entre un Allemand et un Anglais pour libérer Joey des fils de fer barbelé ou encore la cotisation des soldats anglais à la fin du film pour qu'Albert puisse racheter son cheval)).
La réalisation est virtuose comme à l'accoutumée chez Spielberg qui décidément est un vrai maître du cinéma. Si on lui connaissait l'art de filmer la guerre (ce qu'il confirme d'ailleurs ici dans une sortie de tranchée mémorable), on lui découvre l'art de filmer le cheval. Jamais dans mon parcours de cinéphile, je n'ai vu un cinéaste capter aussi bien les mouvements, les émotions, les énervements, les souffrances et les joies d'un cheval. La photographie est sublime même s'il rompt avec un ton plus sombre et plus gris bleuté qu'on avait vu récemment dans ses films (A.I., Minority Report, Il était une fois le soldat Ryan, La guerre des mondes...). Ici, la couleur est vive et la scène finale du coucher de soleil est un moment d'une beauté inouïe. Les images sont excellemment servies par la musique de John Williams sans doute pas dans l'une de ses meilleures partitions mais le compositeur conserve un certain talent quand il s'agit de traduire en notes l'héroïsme, la bravoure et le courage au cinéma.
Quant à l'histoire, elle est somme toute assez peu fouillée. A la suite de la déclaration de guerre de l'Angleterre à l'Allemagne le 4 août 1914, le cheval Joey est réquisitionné et arraché des mains du jeune Albert (Jérémy Irvine, sans doute le moins bon acteur du casting). Le cheval va alors passer de camp en camp jusqu'à retrouver son propriétaire (film Disney pour enfants oblige). Il devient ainsi successivement la monture du capitaine anglais Nicholls, un cheval d'ambulance allemande, le chouchou de la jeune Française Emilie ou encore un de ces chevaux qui hissent de l'artillerie lourde parfois au péril de leur vie (cette scène est particulièrement émouvante). Certes, le trait est souvent grossier, on se laisse aller à quelques facilités scénaristiques, les dialogues sont parfois ridicules mais, bon sang, on est pris dans cette histoire. C'est un grand moment de bravoure qui nous est proposé par Steven Spielberg. Il nous convie à un rêve de plus de 2H30 comme seul le cinéma (oserais-je dire américain uniquement ?) sait le faire.
Cheval de Guerre est un très grand film. On passe sous silence ses quelques défauts pour mieux en apprécier le moment. On rit, on pleure, on tremble, on souffre, on est heureux, on compatit, bref on vit l'histoire touchante de ce cheval. Un grand moment de cinéma dont la séquence du cheval innocent qui traverse au galop la fureur et l'horreur de la tranchée et du champ de bataille vient en souligner la grâce. Du grand, du très grand Spielberg !