Chinese Zodiac est la preuve que Jackie Chan a passé trop de temps entre les États-Unis et la Chine : il en a seulement pris le pire des deux. Certainement inspiré par les navets qu'il tourne à Hollywood depuis une bonne quinzaine d'années, il associe les tics les plus gênants de sa période hongkongaise avec les tares des films américains dans lesquels il a joué. Le résultat est cet espèce de blockbuster bâtard qui tente de concilier divers cahiers des charges pour plaire à la fois aux spectateurs chinois tout en restant accessible au marché international. La démarche semble de ce fait exclusivement commerciale et limite fortement l'intérêt de cette suite.


La laideur des images aux couleurs ultra-saturées donne une esthétique de téléfilm à l'ensemble. On a clairement l'impression que le directeur de la photographie bossait avec des lunettes de soleil, un étalonnage pareil tient plus du maquillage de voiture volée qu'autre chose. Cela se marie d'autant plus mal avec l'utilisation abusive de fonds verts, les rendant encore plus flagrants qu'ils ne le sont déjà. Autant les précédents volets de la série Armour of God n'avaient rien de particulièrement intéressants dans leur esthétique, autant ils restaient sobres et n'étalaient pas ce genre de couleurs criardes de manière aussi manifeste. Même avec ma télévision réglée en monde cinéma j'avais l'impression de faire une overdose de couleurs, alors je n'imagine même pas ce qui aurait pu arriver avec le mode dynamique. Qui sait, peut-être que mes yeux auraient fondu. En plus de tout ça la musique pompière et l'humour lourdingue n'arrangent rien, complétant ainsi admirablement ce naufrage artistique.


Dans tous les cas cette suite n'a pas grand-chose à voir avec ses aînés. La foule de gadgets ridicules est complètement hors sujet et souvent risible. Le film tourne vers une lamentable ambiance d’auto-parodie de la série à tel point il se vautre souvent dans le ridicule. Les scènes d'action sont ostentatoires et clinquantes tout en étant affreusement surfaites, à l'opposé de l'esprit des films précédents où plutôt qu'une orgie d'effets numériques on misait sur un réel travail de mise en scène. C'était plus technique et plus élaboré, moins pornographique. Ici on espère épater la galerie à coup d'ordinateurs. C'est une autre philosophie. Si les épisodes de la série n'ont jamais été réputés pour leur scénario l'indigence scénaristique de celui-ci dépasse les bornes. Pour faire simple ça part dans tous les sens pour ne mener à rien. Un autre problème est que Jackie Chan tient tellement à se mettre en valeur qu'il en oublie le reste de la distribution et nous offre à la fois des rôles et des acteurs plus apparentés à des serpillères qu'à des comédiens. Personne ne doit faire de l'ombre à Jackie, et certainement pas un rôle bien écrit. C'est d'autant plus dommage que son personnage n'a rien à offrir de transcendant et va même totalement à l'encontre de ce qu'est Asian Hawk, ce chasseur de trésors aventureux et un brin vénal au sens moral gentiment dicté par l'appât du gain.


Pour faire plaisir à la censure chinoise il nous a glorifiés d'une pitoyable leçon de morale nationaliste en lieu et place du cynisme habituel du personnage. Pour faire simple selon le film tous les objets d'art obtenus dans des circonstances troubles sont censés être rendus à leur pays d'origine. Une bien belle morale qui enlève son poids à l'histoire en éliminant les conséquences qui sont encore visibles, témoins d'une période historiquement révolue et des évènements qui y sont associés, et qui sert plus de propagande revancharde pour l'Empire du Milieu contre l'Occident qu'à autre chose. Au-delà du côté moraliste douteux le film est affreusement niais et atteint son paroxysme en la matière dans une fin épouvantable. Comme quoi il réussit à maintenir un certain niveau de cohérence en restant dans un registre pompier.


Le pire c'est que Jackie Chan est encore capable d'assurer pour les cascades et les chorégraphies. Les combats dans la cache secrète le prouvent et ont largement remonté ce bousin dans mon estime. Sa scène en combinaison de Buggy Rollin est également assez impressionnante techniquement parlant, mais n'est absolument pas photogénique. C'est d'autant plus dommage qu'elle a dû coûter une fortune. Du reste on voit qu'il se contente de faire le minimum syndical, ce qui au vu de son âge n'est pas si mal. On ne peut certes décemment pas assurer toutes sortes de cabrioles alors que l'on approche de la soixantaine mais le problème est son refus de laisser un peu la main et d'offrir des scènes dignes de ce nom à un autre. Pour compenser on assiste à un festival d'effets spéciaux plus ou moins heureux mais souvent ridicules. Et puis il est crédité un nombre absolument incroyable de fois au générique, à tel point que l'on est capable de ressentir tout l'amour qu'il se porte à lui-même rien qu'en regardant le film.


À vouloir en foutre plein la vue à tout le monde on oublie de faire dans la simplicité, la continuité et l'efficacité. C'est exactement comme ça que l'on foire complètement sa suite et son film. Le pire c'est que ce dernier a fait un carton en Chine et ce malgré sa médiocrité. Il y a de quoi désespérer.

Brad-Pitre

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7

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