Les comédies helvétiques, ça court pas vraiment dans les ruelles. Et du peu qu'on trouve, ce sont surtout les Suisses allemands qui s'essayent au genre, livrant des long-métrages germanophones à l'humour grinçant, pas toujours très drôles mais loin de certaines purges de nos voisins français. Du coup quand on m'annonce la sortie d'un film TRILINGUE, là je suis extrêmement intéressé, moi-même devant régulièrement switcher de langue dans le cadre du boulot ou de l'excursion en territoire germanophone.

Ciao-Ciao Bourbine, c'est certainement pas le film de l'année, mais c'est probablement l'une des œuvres cinématographiques suisses les plus importantes de ces 10 dernières années. Ici on ne s'adresse pas qu'aux germanophones, on s'adresse à tout le monde. C'est un appel au rassemblement, à la communion. Et c'est probablement la plus grande force du film. Tessinois, Romands et Suisses allemands y trouveront forcément leur compte et de quoi ricaner durant 1h30, une durée respectable qui évite de trop tirer sur la corde histoire de ne pas épuiser la bonne grosse blague dont part ce scénario improbable. Les gags sont ici assez inégaux, jouant parfois avec des visuels saugrenus, lorgnant un poil avec le splastick. Mais là où ça fait relativement mouche, c'est au niveau de la barrière des langues. Le film ne pouvait pas mieux la capturer, c'est brillant de vérité.

Ce qui est par contre moins brillant, et qui pour moi descend directement le long-métrage au rang de "moyen", c'est la réalisation. Tout est incroyablement plat, pas une seule idée de mise en scène ni de petite folie. C'est le néant créatif. Le film tente de compenser avec des décors variés, voyageant aux quatre coins de la Suisse, mais le stratagème trouve rapidement ses limites. Et lorsqu'il s'agit d'être un poil plus ambitieux, le budget serré se ressent immédiatement. Les quelques effets spéciaux sont criards, encore plus moches que l'affiche du film (et ça, il faut quand même le faire) et les séquences dites d'action sont molles comme une branche Cailler restée trop longtemps au Soleil. Ma théorie : le film était tellement ambitieux qu'ils ont dû tout simplifier au maximum pour respecter le budget.

Mais pourtant, je n'en veux pas à Ciao-Ciao Bourbine. C'est moche et le scénario joue trop souvent l'innocent, mais je pardonne volontiers. Je suis même heureux qu'une équipe de Suisses allemands, de Romands et de Tessinois aient joint leurs efforts pour pondre du film helvétique ultime, laissant de côté certains clichés pompeux pour s'attaquer à de vrais débats internes et actuels, mais surtout à notre précieuse identité linguistique. Nos voisins ricaneront peut-être devant 2-3 blagues, mais c'est bien pour nous que ce film a été fait, et ça je trouve tout simplement magnifique.

Vive la Suisse, vive le trinlinguisme (et le Romanche), vive le cinéma, vive Beat Schlatter et longue vie au Gürk'r !

MonsieurNuss
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le 27 janv. 2024

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MonsieurNuss

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