Dubesor

En cours de projection de Citizen Kane, j'ai soudain pris conscience d'avoir fait une erreur : je l'ai abordé comme un gosse, comme quelque chose de bien trop gros pour moi, dont je n'étais pas digne, ou que sais-je.
On l'a tellement porté aux nues que je l'ai regardé d'un peu loin, perché sur son piédestal, m'attendant à ne rien biter.
Et puis finalement non, il était accessible.

Il a les qualités d'un bon film, indéniablement.
Mise en scène excellente, acteurs du même tonneau, effets de lumière époustouflants.
Même cette double narration fort intéressante.
Les personnages sont à la fois originaux et fouillés, vraiment passionants à suivre, on a envie d'en apprendre davantage sur eux, sans cesse.
C'est un film qui ne manque pas à la fois de surprendre, et de surprendre agréablement.
Il sort sans conteste de la production ordinaire (passée comme présente), c'est très rafraîchissant, même pour les plus blasés d'entre nous je pense.

Dès lors, pourquoi ne puis-je me détacher de cette déception ?
Les critiques dithyrambiques lues ça et là, pour finalement me retrouver face à quelque chose de profond, mais pas aussi génialement complexe que je l'aurais cru au premier abord.
Les afficionados vont me répondre que justement, c'est que je n'ai rien compris.
Oh, je ne prétends pas avoir saisi toutes les subtilités, mais je pense avoir capté l'essence.

Et pour ce qui m'a échappé, ça fait partie intégrante de mes reproches.
J'aime beaucoup qu'un film me donne envie de le regarder à nouveau, afin de percevoir de nouvelles choses, ou d'appréhender différemment.ce que j'avais déjà cru comprendre.
Mais j'aime que ce soit une ENVIE, justement. Soit que j'aie raté quelque chose par ma faute (fatigue, inattention, voisin turbulent), soit parce que je suis intimement convaincu de pouvoir trouver davantage, sans en être sûr, une simple intuition.

Avec Citizen Kane, je SAIS qu'il reste des éléments à découvrir parce qu'on me le rabâche à chaque seconde du film, mais je ne pense pas qu'ils étaient disponibles en première vision.
Pourquoi ?
Parce que justement, je l'ai pris à sa juste valeur, une oeuvre complexe. Et je pense donc avoir été attentif aux détails, plus que pour un film "normal".
Si des choses m'ont échappé, c'était donc volontaire.
Et, oui, cette sensation que Welles voulait me cacher des choses, me FORCER à revoir son film, je l'ai ressentie. Durement.
C'est une espèce d'épreuve que l'on passe, et on ne peut pas la réussir, le réalisateur sait des choses qu'il ne dit pas.
Je n'ai pas trouvé cela agréable, pas loyal, en opposition directe avec un homonyme écrivain, Stanislas Wails, qui revendique une grande honnêteté avec le lecteur, et je le lui accorde sans hésiter.

C'est donc à mon sens une oeuvre atypique, incontestablement, une oeuvre de grande qualité, mais pas un chef d'oeuvre pour différentes raisons, la moindre n'étant pas cette espèce de prétention latente, d'une part dans le film lui-même, d'autre part dans tout ce qui en a été dit ou écrit.
Sans doute un peu trop snob à mon goût.
Et cette sensation de se voir refusé l'accès à toutes les clés dès la première fois, sans que cela se justifie réellement.

Contraint et forcé, je le reverrai donc peut-être (sûrement même), mais je n'aime définitivement pas que l'on décide à ma place.