City Hunter: Angel Dust
5.5
City Hunter: Angel Dust

Long-métrage d'animation de Kenji Kodama (2023)

Oh putain mais quel bad...

Moi qui était venu pour retrouver le charme de l'anime de la Toei, mais qu'est-ce qu'on nous a servi là ?


En à peine une dizaine de plans – ceux d'intro – la dépressurisation est totale.

Ciel nocturne. Lune dégueulasse. Quatre silhouettes planent jusqu'au toit d'un gratte-ciel. L'animation saccade comme dans un OAV fait à l'arrache. Les couleurs ont la fadeur des productions industrielles. Et voilà qu'une fois au sol les quelques voltigeurs retirent leur combinaison et révèlent des poitrines généreuses et à moitié nues.

Tada ! Mais qui voilà ? Ni plus moins que les Cat's Eyes !

Lancement d'un remix dégueulasse du générique original. Poses. Tournoiement autour des héroïnes. Et en prime de ça, Nicky / Ryo et Mammouth / Umibôzu qui débarquent en juste-au-corps moulants.

Pouet ! Pouet ! Ah que c'est drôle ! Ah que ça crie ! Ah que ça jacasse ! Ah que ça en rajoute !

On n'a même pas atteint la minute que ce « film » a déjà explosé toutes les limites de la lourdeur, de la beaufitude et de l'indigence.

Et on est parti pour 1h34 comme ça ?

L'HORREUR !


Ah mais la vache ! Ce film ne nous épargne rien.

À aucun moment il ne cherchera à faire l'effort de poser un univers, une atmosphère ou une tension. Non. Avec cet Angel Dust, on n'est clairement pas là pour offrir un bel écrin cinématographique à notre cher City Hunter adoré.

Non, on est juste là pour bombarder le fan de références à la truelle et sans souci d'une quelconque unité ou de mesure. C'en est à un tel niveau de cynisme et de ridicule que pendant toute la première demi-heure on n'a finalement droit qu'à un enchaînement ininterrompu de Nicky hurlant jusqu'à l'excès et de Laura / Kaori jouant du maillet en redoublant chaque fois d'hystérie.


Alors on pourrait me rétorquer « oui mais – eh oh ! – c'est ça City Hunter hein ! » sauf que, bah désolé, mais non. Pas du tout.

Alors d'accord, il y a toujours eu dans la série ce running gag de Nicky cherchant à tripoter les clientes et de Laura cherchant à l'encastrer, mais tout ça s'insérait dans des épisodes de vingt minutes qui étaient aussi composés de moment de tension, d'enquête, de baroud dans les rues nocturnes (Ballad of the silver bullet, toi-même tu sais...) et de résolutions à coup de Python 357.

...Et du coup, tout ce décorum pris dans son ensemble pouvait effectivement conférer à ce gimmick du pervers rossé à coup de maillet un petit charme du fait qu'il s'agissait à chaque fois d'instants fugaces apportant de la rupture au sein d'un épisode mené au cordeau.


Mais là, ce qu'il y a déjà de sidérant avec cet Angel Dust, c'est que les auteurs n'ont manifestement pas pris la peine de considérer les exigences propres au format long. Oh ça non !

Ils sont allés au plus simple, c'est-à-dire qu'ils ont repris la même formule que pour un épisode de vingt minutes et ils l'ont étirée péniblement sur 1h34.

Ainsi se bouffe-t-on une demi-heure d'exposition où Nicky cherche à tripoter et Laura à cogner, puis une demi-heure d'installation de tension dramatique où on expose l'enjeu « sérieux » de l'intrigue, puis – je suppose parce que je n'ai pas tenu jusqu'au bout – une dernière demi-heure où on conclut avec une résolution à la con.

Et comme une telle façon de faire est fastidieuse au possible, les auteurs ont donc décidé de meubler en occupant le spectateur avec les sempiternels gags burlesques, hurlements primaires, musiques de la série remixées, sans que JAMAIS ça ne s'arrête.


En fait si, j'avoue, à un moment donné, ça s'arrête.

Pas de cri. Pas de musique. Juste une conversation posée dans le restaurant de Mammouth. Ça survient au bout d'une demi-heure totalement épuisante et ça choque tellement c'est un soulagement soudain.

Combien de temps ça dure ? Environ 20 secondes.

Qu'est-ce qui y met fin ? Des cris de Laura et de la cliente sexy découvrant des plats exquis. Alors la musique guignolesque reprend. Et ça dure des plombes. Et tout ça pour... De la bouffe.

(Soupir.)


De toute façon, de manière générale, j'ai vraiment l'impression que la présence quasi systématique de scènes de bouffe ne relève pas du hasard.

Manifestement c'est juste là dans le seul but de détourner l'attention du fait que rien n'a vraiment de profondeur ni de sens dans ce film.

Il y a quand même un moment où Laura et Angie – la cliente sexy – sont en train de préparer un petit repas tout en échangeant des banalités déjà entendues cent fois durant le film, quand soudain – sans crier gare – Angie lâche dans l'enthousiasme (non partagé) de l'instant : « et comme ça je pourrai accomplir mon plan secret : tuer Nicky Larson ! ...Oh oups ! »

Réaction de Laura : « Hihihihi ! Sacrée toi Angie ! J'ai failli y croire ! Hohohoho ! »

Mais Nicky était là, non loin, à écouter avec son air sérieux, en mode : « tiens donc, j'ai comme l'impression qu'Angie a un plan secret... »


Non mais... Non mais non, quoi...

Comment je peux encore accorder un minimum de crédit à ce personnage maintenant qu'on vient de me le ridiculiser à ce point ? (Parce que, oui, Angie est bien un assassin qui cherche à buter Nicky. Soupir...)

Idem, comment espérer que je prenne un minimum au sérieux l'opposition qui est constituée par ces fameux agents de la Wet Army qui sont les grands antagonistest de cet Angel Dust ? (Non mais déjà « Wet Army » pour commencer... Non mais OH !)

...Et puis voilà quoi : ils sont censés être surpuissants, notamment du fait qu'ils se sont inoculés le fameux Angel Dust, mais bon, dès la première opposition avec Nicky ils se font rosser comme jamais. De là, d'où peut venir la tension ? D'où peut venir la menace ?


Et puis le scénario a beau être éculé comme jamais, comment voulez-vous que je lui accorde un minimum de crédit si celui-ci n'est même pas foutu d'être un minimum cohérent ?

S'inoculer l'Angel Dust fait ignorer la souffrance, nous dit-on. Mais alors pourquoi deux minutes plus tard, on voit le gars qui se l'est injecté râler de douleur au moment de s'effondrer suite à ses blessures ?

Idem, on finit par nous révéler que, finalement, Angie...

...est la demi-sœur de Nicky.

Alors moi je veux bien mais, dans ce cas :

1) comment ça se fait que Nicky soit brun et mate de peau quand Angie est, de son côté, blonde aux yeux bleus ?

2) et puis surtout, comment ça se fait que Nicky cherche toujours à la sauter ?! Non mais sérieux !!

À ce moment-là, je me souviens m'être dit que j'avais peut-être loupé un épisode. Et oui, dans la seconde qui a suivi, j'ai surtout réaliser qu'en fait je n'en avais surtout strictement rien à foutre.


Rien à foutre parce que, moi, je ne prends vraiment aucun plaisir face à un film qui pense que ce que j'attends de lui, c'est qu'il gueule tout le temps pour un tout ou (surtout) pour un rien.

Idem, quel plaisir prendre – même régressif – si l'essentiel du temps, le film juge nécessaire de m'occuper les oreilles avec, au mieux, des remixes dégueulasses des grands tubes de la série et, au pire avec une sorte de mélange infâme entre de musique de porno des années 90 et d'autres issues de menus de Gran Turismo ?


Donc oui, passé l'heure de film, j'ai pris ma décision. Je me suis barré de la salle, sans regret.

...Enfin plutôt si, quelques regrets. Et de taille.

Le regret de constater qu'on n'ait pas su un seul instant traiter ce matériau avec un minimum de rigueur et de respect.

Regret aussi qu'on ait pu à ce point considérer le public de City Hunter comme une simple bande de demeurés qui n'attendait que des références lourdasses et de l'humour touche-pipi.

Et puis regret tout simplement du fait que, pour l'occasion, Nicky Larson ait rimé avec piège à con.


Bon bah bref : bravo les gars.

On ne m'y reprendra certainement pas.

Remballez votre poussière d'ange,

Car tout ça sent quand même vachement la fange.

En d'autres mots : ciao bye Ryo Saeba.

C'est bien triste que tu en sois arrivé là...

Créée

le 31 janv. 2024

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