Un homme se faisant passer pour le célèbre réalisateur iranien Mohsen Makhmalbaf se fait arrêter par la police, accusé de fraude par la famille. S'ensuit une équipe de journalistes voulant enregistrer le procès afin de garder en mémoire ce fait divers presque "artistique", et le procès intégral de l'accusé.


Le film de Kiarostami est évidemment à remettre dans son contexte, le réalisateur jonglant ici entre la fiction et le documentaire, il choisit pour incarner les personnes de ce fait divers réel, les personnes elles-mêmes. Ainsi, il est tout à fait bouleversant d'une part, d'imaginer l'accusé où même la famille dans son ensemble réinterpréter ce qu'ils ont pu ressentir au moment des faits.


Là où Close-Up frappe à mon sens très très fort concerne le traitement de son personnage principal. Comme le titre l'annonce, il s'agit de se concentrer sur cet individu, de tenter de le comprendre, et peut-être même si la loi le sanctionne, à le pardonner dans la mesure du possible. Le "Close-Up shot" lors du procès permet de retranscrire l'émotion ressentie par le personnage, à la manière du documentaire, sans artifice.


Le choix d'inclure le flashback lors de la confession constitue alors le moteur même du film, où il s'agira de reconstituer non pas forcément ce que la famille aura décrit ou ce que l'accusé aura oublié de préciser, mais la scène comme elle l'était, d'établir le vrai du faux.
Ainsi, le spectateur connait le personnage dans sa plus grande sincérité, comme s'il avait été avec lui, et remet alors en cause les accusations alléguées à l'encontre du personnage.


Mais si Close-Up est un très grand film, c'est parce qu'il entreprend également le concept de justice comme l'apprentissage d'un devoir moral, de la nécessité d'être responsable. Plus que cela, il s'agit d'appliquer "in concreto, et pour le juge de prendre en considération les circonstances de la cause, alors que l'individu est pauvre, mal dans sa peau, qu'il ressort d'un divorce dont il ne reçoit pas d'aide financière et autre soutien moral que sa mère. Alors le fait qu'il puisse s'imaginer comme cette personne riche, reconnue par les autres, et répandant la convivialité, la sincérité dans l'Art du cinéma semblant lui faire le plus grand bien, est dans un sens compréhensible en connaissance de la détresse psychologique de l'individu.


Devant les pleurs de cet acteur réinterprétant ce qu'il a vécu dans la réalité au moment des faits, il est difficile de ne pas être submergé par l'émotion. Il n'a jamais voulu leur extorquer de l'argent, cambrioler la maison ou profiter de leurs sentiments. Mais il a compris qu'il devrait faire un travail sur lui-même; qu'il est tenu responsable devant les autres. Comme les autres doivent tenter de comprendre leur prochain. Pour cela, il faut de la compassion et de l'Amour.


L'ensemble du casting et personnes véritables le savent, ils en sont la preuve. Kiarostami en est le témoin, mais également l'artisan.


Micro-critique rédigée en 2021.

William-Carlier
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Créée

le 30 oct. 2021

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William Carlier

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