Coco
7.7
Coco

Long-métrage d'animation de Lee Unkrich et Adrian Molina (2017)

Aussi inconcevable que ça puisse paraître, chez Pixar, depuis quelques temps, ça semblait fortement sentir la baisse de régime. Arlo, Dory, Cars 3, c'était sympa, mais à une forte distance de toute la magie dont le studio à la lampe est d'habitude capable, d'autant qu'ils nous l'avaient prouvé à nouveau la même année qu'Arlo avec le formidable Vice-Versa. Puis arrive ce qui peut agir en bouée de sauvetage pour le studio, un nouveau projet original du nom de Coco. Rien à voir avec le film de Gad Elmaleh, ou avec la chanson "Coco, t'as le look". D'autant qu'il a une belle mine, le projet, puisqu'il est dirigé par Lee Unkrich (qui a percé le cœur de beaucoup de personnes avec son Toy Story 3) et qu'il a fait l'objet d'un sacré temps de recherche pour les inspirations.


Bienvenue au Mexique, lors du traditionnel "Dia de los Muertos", fête qui permet le temps d'un jour de réunir les ancêtres et leur descendance qui honore leur mémoire. Dans la famille de cordonniers du jeune Miguel, c'est la preuve qu'on ne choisit pas sa famille, puisque celle-ci voue une véritable aversion pour la musique à cause d'un drame familial vécu par l'arrière-arrière grand-mère. Et quand je dis "aversion", c'est un doux euphémisme, puisqu'ils en sont au point de tabasser les mariachis dans la rue qui s'approchent de trop près. Pas de bol, puisque le rêve du petit Miguel, c'est de marcher sur les pas d'Ernesto de la Cruz, chanteur/musicien mexicain de renom. Et alors qu'il joue son profanateur de sépulture lors de la fameuse fête, le voilà propulsé dans le pays des ancêtres, avec comme seul moyen d'obtenir un ticket de retour la bénédiction de ses ancêtres.


Renouveler l'exploit de Vice-Versa en 2015 semblait presque inespéré pour les papas de Luxo Jr. Mais il ne faut jamais dire jamais, et ils l'ont bien compris. Coco est une formidable réussite, qui nous fait plonger dans un monde des morts aussi coloré que vif, aussi entraînant que détaillé. L'équipe du film n'a aucunement lésiné sur le sens du détail, et ainsi, chaque plan qui constitue la visite au royaume des morts est un pur délice. Visuellement époustouflant comme ce n'est plus à prouver chez Pixar, les scènes regorgent de détails tous plus savoureux les uns que les autres.


Ainsi, les studios nous proposent de voyager dans un monde des morts au fonctionnement évoquant facilement celui des vivants. Il y a un fonctionnement d'entrée et de sortie (dans le cas du Dia de los Muertos, bien sûr) très bureaucratique, tandis que la visite dans le royaume, où se mêlent squelettes et créatures mythiques du folklore mexicain, propose une architecture aussi bien moderne que joyeusement inventive. On y retrouve une grande salle de spectacle, des cinémas, et comme dans tout royaume qui se respecte, un coin abandonné pour les "marginaux" aux portes de l'oubli.


Le royaume des morts n'aura, je pense, jamais été aussi entraînant que dans ce film. Ce qui lui permet d'ailleurs d'être très drôle, puisque les divers squelettes croisés ont chacun leur lot de gags à offrir, aussi bien visuels que sur le plan des dialogues. En plus, Michael Giacchino propose une bande-originale savoureuse, accompagnant parfaitement l'ambiance globale, avec des chansons réussies en prime. Mais bien entendu, Coco est loin de se limiter à être juste drôle et entraînant. Il est aussi foutrement puissant.


Car si les messages véhiculés par le film sont loin d'être les plus originaux, ils font mouche, et ce grâce au talent du studio à créer un drame puissant et recherché. Car il y a un sort pire que la mort, c'est l'oubli. La peur des ancêtres d'être oubliés, que leurs familles n'honorent pas leur mémoire, ça sonne juste, délivre des scènes très touchantes et réussi ainsi à faire passer tout seul le message sur la force de la famille, sans en faire des caisses. Quasi au même niveau de la bouleversante fin de Vice-Versa, ou de l'introduction de Là-haut.


Et si le message fonctionne aussi bien, c'est parce que les personnages et leurs relations respirent le sens du soin apporté, avec mention particulière pour le squelette Hector, à des kilomètres du simple sidekick/boulet de service qui s'attache au héros. La sincérité de sa relation avec Miguel prend tout son sens lors du final déchirant.


Et c'est là qu'on comprend.


Car oui, pourquoi Coco comme choix de titre ? Parce que c'est bien le véritable centre d'intérêt du film, en la personne de Mama Coco, arrière-grand-mère de Miguel et fille d'Hector et celle par qui, dans un sens, tout a commencé. Et c'est bien la façon dont elle est placée au centre du récit qui rend les choses aussi bouleversantes. Le désespoir d'Hector à l'idée de ne pas pouvoir revoir sa fille et de tomber dans l'oubli alors que rien n'est de sa faute, ça renforce la dramaturgie du film, à tel point que la façon un peu grossière dont est soulignée la méchanceté d'Ernesto est tout à fait pardonnable.


Ils ont encore réussi à m'avoir chez Pixar, et pas qu'un peu, puisque j'ai eu du mal à retenir mes larmes à la fin de la séance. Coco est un joyau sincère et d'une efficacité redoutable, aussi bien drôle et créatif que terriblement poignant. Pour peu que vous portez Pixar dans votre cœur, foncez découvrir cette merveille.

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le 27 nov. 2017

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NickCortex

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