Une version édulcorée de la vie de Gabrielle Chanel.

Une petite fille du centre de la France, placée dans un orphelinat avec sa soeur, et qui attend en vain tous les dimanches que son père vienne les chercher. Une petite couturière destinée à refaire des ourlets dans l'arrière-boutique d'un tailleur de province. Une amoureuse qui sait qu'elle ne sera "la femme de personne", pas même celle de Boy Capel, l'homme qui pourtant l'aimait aussi. Une rebelle que les conventions de l'époque empêchent de respirer, et qui s'habille avec les chemises de ses amants. C'est l'histoire de Coco Chanel, qui incarna la femme moderne avant de l'inventer...


Voici ce qu' Anne Fontaine a choisi de nous raconter dans son dernier opus, le plus classique, le plus amidonné de sa production, alors que le pari aurait exigé de l'audace et de l'impertinence. Si le film déçoit à maints égards, il n'en est pas moins agréable à regarder, élégant et raffiné, et nous révèle un Benoît Poelvoorde enfin débarrassé de sa panoplie d'amuseur et de son goût prononcé pour le canular. Rendu à sa vraie nature d'acteur, le comédien belge campe un noceur désabusé, éleveur de chevaux et amateur de cocottes, faisant de Gabrielle sa petite geisha avant de se rendre compte que la diablesse l'a envoûté. Dans ce rôle d'Etienne Balsan, châtelain décadent, il est la vraie bonne surprise du film, et trouve là un rôle émouvant, plein d'une tendresse douce-amère, auprès d'une Audrey Tautou au charmant minois, certes, mais qui n'est pas aussi convaincante que lui dans son personnage de Coco avant Chanel. Si elle n'est pas Chanel, hormis l'habillement et la coupe de cheveux, elle n'est pas non plus Coco, pour la bonne raison qu'elle a trop de fossettes et pas assez d'angles pour représenter cette femme trempée, à la fois, dans l'acier et le vitriol, et qui ne fit jamais de concessions à qui que ce soit, dans le seul souci de son irrésistible ascension.


En définitive, ce biopic inspiré du livre d'Edmonde Charles-Roux n'est jamais qu'une version édulcorée de ce qui fit le sel, le poivre et le piment de cette existence de gagneuse et n'évoque que superficiellement le tempérament inflexible et la personnalité intraitable de la demoiselle de la rue Cambon. Si bien que l'on reste sur sa faim et que l'on se contente de voir défiler passivement des images léchées et habilement mises en scène ( Anne Fontaine a du métier ) sans être ému, sans vraiment entrer dans un sujet qui méritait mieux. Car, en y réfléchissant, ce destin est d'autant plus exceptionnel si l'on considère la condition de la femme à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, et lorsque l'on sait que cette petite jeune fille, sans un sou, de condition plus que modeste et simple couseuse, est parvenue, malgré tout, à force de courage, de volonté et de talent, à créer l'empire Chanel. Oui, le défi fut considérable et la réussite exemplaire. Et notre déception d'autant plus grande que le long métrage gentillet, que lui a consacré la cinéaste, n'exhale rien de la senteur enivrante du N° 5 et si peu de la trajectoire passionnée de cette héroïne hors-norme. Le film reste un plaisant album de belles images précieuses et convenues, où l'on voit une femme tenter de se construire, mais où rien d'important ne nous est livré de ses combats intérieurs, de son évolution personnelle, de son époque même ; nous restons à la surface des choses, à leur apparence, à l'éphémère. Certes Audrey Tautou a une jolie frimousse ( qui fit merveille dans Amélie Poulain ), mais Mademoiselle Chanel, ce n'était pas une frimousse, plutôt un port altier, un masque de souveraine. Et cela, Anne Fontaine l'a passablement oublié. 1

Créée

le 15 sept. 2016

Critique lue 168 fois

Critique lue 168 fois

D'autres avis sur Coco avant Chanel

Coco avant Chanel
Hugo_P
2

Critique de Coco avant Chanel par Hugo_P

Coco avant Chanel, Coco fait de la couture, Coco chantonne, Coco veut pas vendre son cul mais elle le fait quand même un peu (faute de grives on mange des merles), Coco veut tous les écraser, Coco...

le 7 déc. 2010

8 j'aime

1

Coco avant Chanel
-Marc-
3

Au bonheur des dames

Quand l'arrivisme le plus féroce devient lutte des classes. Quand Rastignac se cache sous les oripeaux de Cosette. Quand le féminisme devient romantisme. Quand la cocotte devient Coco. Quand on cache...

le 5 avr. 2014

7 j'aime

3

Coco avant Chanel
Jade
6

Critique de Coco avant Chanel par Jade

Qui aurait pu être un 8. Ce film a été une déception dans le sens où il avait vraiment les pistes pour être un bon film, un joli portrait. Les images sont belles, les acteurs très convaincants, les...

Par

le 22 oct. 2011

7 j'aime

Du même critique

Le Septième Juré
Armelle_Barguillet_H
9

Film atypique et intelligent. Une formidable démonstration de l'immoralité d'une province bourgeoise

L’auteur des « Tontons flingueurs » aborde avec cet opus, inspiré du roman de François Didelot que Bernard Blier lui avait proposé de porter à l’écran, un drame où la justice accuse sans vergogne un...

le 6 sept. 2016

4 j'aime

Laura
Armelle_Barguillet_H
9

Un film d'une puissante modernité

Laura est l'adaptation sur grand écran du roman policier éponyme rédigé par Vera Caspary en 1942, c'est-à-dire deux ans avant son adaptation cinématographique. La genèse de Laura fut...

le 2 nov. 2016

2 j'aime

1

Wall-E
Armelle_Barguillet_H
8

Wall-E ou l'art d'émouvoir avec des images de synthèse.

Nous sommes en 2800 et un robot, un peu rouillé, est la dernière créature vivant sur une terre désertée par les humains, pour la simple raison que ceux-ci l'ont rendue invivable et irrespirable à...

le 9 sept. 2016

2 j'aime