L'assassinat des braqueurs du tripot par le lâche Jesse James.

"America is not a country, America is business" : rien que pour cette ultime phrase prononcée par Cogan (Brad Pitt) dans l’ultime plan du film, le film vaut le coup ; le truc, c’est qu’il faut se taper tout le film aussi. Personnellement, je suis assez bien rentré dans l’histoire, plutôt divertissante. Il y a un fil rouge qui fait s’enchaîner un certain nombre de faits et d'événements de manière logique, ce qui donne une certaine linéarité au film. Une continuité très académique, ce à quoi nous avait déjà habitué Andrew Dominik, de par le fervent classicisme dont était déjà emprunte son œuvre. Le casse d’un tripot de jeux illégal par deux loosers. Réaction du milieu. Appel à Cogan, tueur à gages. Cogan règle l’affaire. Point bar. Le film aurait pu être plat, et même raplapla. Heureusement qu’au moment d’écrire son scénario, Dominik s’est rendu compte que le casse du tripot pouvait constituer une métaphore de la crise des subprimes.


Effectivement, il disait, lors d’une interview, que le milieu des tripots en crise dans la ville qu’il met en scène pouvait renvoyer à la dernière grosse crise financière de 2008 à Wall Street. Le microcosme du milieu des tripots constituant une métaphore du milieu des traders. De la psychanalyse des américains par le cinéma quoi. Plus ou moins brillante, cette allégorie de la crise par une crise est en fait facilement indentifiable à travers les émissions et informations radiophoniques que l’on entend de manière récurrente dans les voitures des personnages. On peut suivre l’histoire tout en suivant la crise. Lorsque la radio annonce que les membres du gouvernement se sont réunis pour trouver des solutions à cette crise endémique, on constate qu’il y a une étrange concordance, trop facile, avec les solutions apportées par les leaders et chefs des tripots (réunis en commission) pour redorer le blason économique de leurs salles de jeux. Tout ça, c’est d’accord. C’est habile. Habile et facile. Trop facile (-1). Mais à quoi bon aller jusqu’à montrer les meurtres, les règlements de comptes ? C’est là la faiblesse du film. Dominik se complait à montrer les assassinats d’un membre du casse, et de son commanditaire, avec une rare violence, avec des ralentis trop longs, de surcroît. Ce qui, premièrement, ne sert pas du tout le film, c’est-à-dire son intrigue, mais la simple volonté gratuite de rendre son film plus esthétique encore par un déballage condescendant d’effets de caméra virtuoses pour épater la galerie (-1, désolé Andrew). Ray Liotta s’en prend tellement plein la gueule qu’il en devient sympathique. Le moment où il se prend carrément une balle dans la tête, au ralenti encore une fois, est vraiment trop poussif. De l’emphase chez Dominik ? Oui (-1). Et la carte "tarantinesque" ou "scorsesesque" jouée à fond, sous fond de musique rock, mouais. Gratuit ça aussi (-1).


Je ressens une certaine déception avec ce film, après avoir adoré le jesse james dépressif de Dominik. Ce Cogan reste divertissant tout de même. Acteurs impeccables, de James Gandolfini, au chômage depuis la fin des Soprano, à Ben Mendelsohn. Et on ne peut enlever à Brad cette classe de jeu, cette espèce de frime – beau gosse qu’il a à jouer les caïds, cette grâce dans l’usage de ses mouvements, l’application qu’il a à dire ses mots, jusqu’au monologue final, jubilatoire : "America is not a country, America is business".

ErrolGardner
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le 28 mars 2013

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