Mais... la guerre commence à minuit !

Le Colonel Blimp fut une caricature des années 30, représentant l’officier anglais dans ses excès les plus britanniques, pompeux, et belliqueux. Pas vraiment de tel personnage ici, mais plutôt une inspiration pour cette fresque, qui évoque la vie fictive d’un officier britannique pendant la première moitié du 20ème siècle. On verra ainsi Clive Wynne-Candy, jeune officier revenant de la Guerre de Boers, qui trempera dans les relations tendues entre l’Allemagne et l’Angleterre au début du siècle, puis dans deux Guerres Mondiales.


Sortie en 1943, il s’agit évidemment d’une œuvre de propagande pro-britannique et antinazie. Mais le film est largement supérieur à ses congénères de l’époque, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, il est bien plus complexe qu’un simple pamphlet antinazi. Son message principal, résumé dans les premières minutes, est que la Guerre est désormais sale. Respecter des conduites chevaleresques et des règles préétablies ne peut conduire qu’à la défaite, face à des ennemis qui useront de toutes les tactiques sournoises. Un message qui contient une part de critiques envers l’armée britannique, montrée comme trop « régulière » à travers le protagoniste.


Mais le scénario va plus loin, montrant la difficulté et les tourments des militaires allemands (voire du peuple) qui ont vécu la Première Guerre Mondiale, et qui ont retrouvé leur pays anéanti. Passant ainsi d’une nation romantique et chevaleresque à un régime brutal. Un propos relativement osé pour l’époque… De nombreuses scènes se focaliseront ainsi sur les relations anglo-allemandes, ajoutant parfois quelques grains de sel sur les relations anglo-américaines. On y voit avec plaisir que chacun parle sa langue et ses accents, ce qui n’est guère étonnant vu le tandem multiculturel Powell-Pressburger derrière la caméra.


En outre, « The Life and Death of Colonel Blimp » est avant tout un beau drame. Roger Livesey (dont les maquillages sont particulièrement réussis) est adorable en officier gentleman et fringant, qui verra le monde changer, sans lui-même modifier ses préceptes d’avant 1914. Anton Walbrook est touchant en officier allemand à bon fond, mais meurtri par les évolutions de son pays. Un belle histoire d’amitié, avec au cœur plusieurs femmes, toutes interprétées par la charmante Deborah Kerr, qui apporte une douceur bienvenue à cette histoire.


Sans compter une mise en scène éclatante du tandem Powell / Pressburger, qui semble avoir au moins 20 ans d’avance. Connus pour leur audace et leur inventivité, les réalisateurs offrent ici de superbes couleurs, et des choix de réalisation originaux pour l’époque. Par exemple, une transition entre décennies par des trophées de chasse. Ou un duel préparé avec détails et soins… qui sera passé sous ellipse par un mouvement de caméra étonnant !


Du très beau cinéma britannique.

Redzing

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