Les armes de l'enfance te font le cuir et l'armure...

De nos jours quand on décide de quitter ses pénates pour se rendre au cinéma, la surprise n'est presque jamais totale. A l'avance, montagnes de bandes annonces et d'avis révélateurs viennent parasiter notre pensée histoire de ne pas aller se ruiner dans une mélasse collant dangereusement aux baskets. Ce qu'il y a de fantastique avec les séances à l'aveugle est de prendre un tout petit risque, infime comme un lancé de dés, et se laisser gagner par un truc que t'aurais jamais vu ailleurs ou dans d'autres circonstances. Mon avis sur Colossal sera-t-il trop révélateur ? Vais-je me contredire comme un immonde fumiste ? On va essayer d'éviter la casse car expérience de découverte il y a. Tâchons simplement de mettre un peu l'eau à la bouche en évitant de renverser toute la bassine et de tacher le falzar.


Colossal, c'est quoi ? Passées les deux premières minutes, nous nous attendons à un film de monstre dans un Séoul nocturne. Ça cause Coréen, la bête immonde se dessine entre les hauts immeubles et y arrache tout décor, toute vie passant entre ses membres puissants. Fondu au noir... S'est passé 25 piges et notre œuvre se transforme soudainement en comédie romantico-dramatique Américaine avec une Anne Hathaway désabusée, portée sur la picole et les soirées qui commencent dès dix heures du mat´. Vous avez dit bizarre ? Comme c'est bizarre... Son mec aimerait qu'elle arrête de végéter dans sa vie et la vire purement et simplement sans lui laisser une chance de se rattraper aux branches de la vie ordinaire. Pas le choix, la voilà repartie vers la maison vide de ses vieux, dans le patelin de son enfance. Quelques retours aux sources plus tard, elle rencontre Oscar, un copain des temps anciens dont la principale qualité est de posséder un bar miteux. Au même moment à l'autre bout de la terre, Séoul est de nouveau attaqué par un colosse de monstre. La solution de l'énigme pourrait bien se trouver dans un parc pour enfants aux États-Unis...


Advienne que pourra,
Nous nous arrêterons là.
Si tu te retrouves intrigué par mon laïus,
Va donc t'y rendre en bus,
(mea-culpa il ne sort qu'en e-cinéma)
Les autres, allez-y continuez,
Parce que ça va décortiquer,
Quelques petits points sujets au plaisir,
Avec l'espoir de vous faire frémir.


Colossal est assez surprenant dans son genre, notamment par ses changement de styles somme toute assez brutaux. S'attendant d'emblée à de gargantuesques affrontements de Kaijūs, des explosions de gratte-ciels couvrant les cris paniqués d'une foule en plein désarroi, nous oscillons vers un drame plus sombre qu'il n'y paraît aux ressorts tantôt humoristiques plongeant crescendo dans une forme d'irresponsabilité à la fois originale et fine. Jouant des nuances et évitant ainsi de tomber dans certains effets grotesques propres aux blockbusters de l'été, le film montre, sans pour autant être genialissime (restons honnêtes) qu'il y a quelque chose de plus à apporter. Et cette chose s'incarne par la profondeur des personnages.


Qui dit personnage dit habituellement héros dans une œuvre de fiction s'orientant vers quelques touches d'action. Ceux de Colossal sont très intéressants ; Anne Hathaway comme Oscar. L'un est un triste homme, pathétique et frustré de sa condition banlieusarde. C'est un homme qui refuserait par tous les moyens d'être inférieur à cette femme de la ville, cette femme fière. Elle, bien qu'ébranlée par des choix de vie l'ayant fait régresser, n'en démord pas, elle rebondit et trouve en ses nouvelles "capacités" une force nouvelle, une manière de retrouver son libre arbitre sans demeurer coincée dans le choix d'un ou de plusieurs hommes. Avec l'apparition du monstre, c'est sa vie et sa volonté qu'elle retrouve. Le monstre lui donne la possibilité de se battre et de vaincre les histoires de son passé. L'un comme l'autre des deux protagonistes se trouvent liés et ce depuis toujours, les démons d'antan devenant les gigantesques monstres d'aujourd'hui.


Les métaphores s'actent dans ce film, deviennent vivantes lorsque toute autre œuvre sur les mêmes sujets se seraient bornées à les traiter en surface, oubliant toute la composante pulsionnelle présente en chacun. Remarquable point pour une bonne surprise qui mériterait entièrement sa sortie dans les salles françaises.

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le 14 juil. 2017

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Fosca

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