"Tu n'es qu'un enfant qui s'est cru un homme"
Quelle lenteur, quelle langueur, quelle nonchalance... C'est assommant. Moi qui n'avait déjà pas accroché avec le personnage d'Octave dans le roman, on peut dire que j'ai été servie avec l'interprétation de Pete Doherty. Parce que si la qualité d'écriture de Musset parvient presque à effacer l’inintérêt de son personnage, dans le film de Sylvie Verheyde, tout vient au contraire encore renforcer sa présence, en en effaçant presque les contours pour diffuser à l’œuvre entière sa couleur fade et son apathie.
Pourtant, je partais vraiment avec un bon a priori : j'aime beaucoup Charlotte Gainsbourg et ai toujours adoré la musique de Pete Doherty, alors ces deux-là, à l'univers pas trop éloigné, dans un même film, pourquoi pas ?
Mais dès le départ, je dirais presque les premier plans, on sent que quelque chose ne va pas. En fait, à partir du moment où l'on a affaire au jeu de Pete Doherty. Je pense notamment au duel, lorsqu'il se prend une balle dans l'épaule et qu'il réagit comme s'il venait de se coincer le doigt dans une porte : aïe, ça commence mal. On est pourtant dans un moment tragique, la musique et les plans témoignant de sa rupture récente sont là pour nous le rappeler, mais je n'ai pas pu m'empêcher de m'esclaffer.
Le pire, c'est que j'aurais davantage savouré le moment si j'avais su qu'il s'agissait là de la seule fois où l'acteur nous témoignerait un semblant de vie et où sa voix dépasserait les 50 décibels. Parce que pour le reste, on a presque l'impression qu'il a été enrôlé de force dans le projet tant le cœur n'y est pas : le ton est monocorde, le regard éteint, l'expressivité se limitant à deux attitudes (moue blasée ou déprimée, nuance) et la démarche nonchalante à celle d'un d'écorché vif tête à claque.
C'est dommage, j'aurais vraiment aimé le voir s'imposer à l'écran. D'autant plus que le personnage semblait à priori fait pour lui : torturé, sentimental, tiraillé entre son passé de libertin et son désir de stabilité affective, empreint d'un mal de vivre inexplicable... Si seulement il avait bien voulu prendre le rôle, au lieu de se contenter de faire du Pete Doherty.
Bon, je ne vais tout de même pas remettre entièrement l'échec du film sur les pauvres épaules de Pete Doherty, ce serait cruel et injustifié. Il faut bien avouer que la réalisation n'est pas là non plus pour améliorer les choses, entre des scènes caméra à l'épaule à vous donner la nausée et des dialogues désastreux, il ne reste pas grand chose à sauver. Si ce n'est la musique peut être, bien que redondante, qui aurait vraiment pu amener la touche de désillusion propre au récit, si elle ne l'avait pas simplement alourdi.
Ce qu'il faut laisser au film en outre, c'est : la beauté des costumes, les décors, la lumière parfois très bien utilisée, et surtout, surtout, la présence de Charlotte Gainsbourg. Admirable, parce que très méritante, je me suis souvent surprise à penser "oh la pauvre, ça ne doit pas être facile d'assurer face à un Pete Doherty si anémique..". Mais au-delà de la qualité de son jeu par comparaison, force est de constater qu'elle n'aurait pas pu mieux interpréter le rôle de Brigitte, cette femme dévote, fragile, simple et généreuse.
A l'arrivée, le constat est donc celui d'un gâchis accablant. Parce que si sur le papier l'idée de Sylvie Verheyde avait largement de quoi séduire, en faisant de notre société moderne et ses rockeurs adeptes du "sex, drug, and rock'n roll" un miroir du romantisme de dandys désabusés du XIX, il n'en résulte malheureusement qu'un film ultra plat sur des zombies apathiques et un "mal du siècle" d'un ennui mortel. Totalement frustrant.