Garrison est une terre tranquille en forme de retraite pour les flics de New York, qui n'ont que le pont Georges Washington à emprunter pour la rejoindre. Une terre en forme de véritable microcosme policier, un monde à part, havre de paix où il semble ne jamais rien se passer.


Son shérif est bedonnant, placide, taiseux... Et sourd.


Il ne se passe jamais rien au sein de ce Copland. En apparence. Car derrière les portes de ces pavillons tranquilles et proprets prospèrent la corruption et une conception tout à fait particulière de l'ordre que ses habitants veulent faire respecter.


Le shérif de la ville de Garrison semble aussi aveugle.


James Mangold filme cependant l'intime de son personnage comme carburant principal de son récit. Et faisant suinter de tous les pores de son Copland la désillusion et une certaine idée de la résignation. Celles d'un Sylvester Stallone que l'on n'a peut être jamais vu aussi rincé et désabusé. Sa carrure est lourde, sa démarche pesante, tandis que ses yeux tombent littéralement sous le poids d'une vie qui lui a échappée. Celui de ses aspirations qui se sont enfuies. La placidité de son jeu traduit à merveille les regrets de son personnage et sa lassitude pénétrante et abyssale. Sa mélancolie terminale.


Tout en se montrant tendre, candide, maladroit, manquant de confiance en lui du fait de son handicap. Le personnage de Rocky, le temps de quelques respirations dans cet univers poisseux, ne rode jamais très loin de cette enclave. Tandis que Freddy Heflin, considéré à la limite du gentil loser, est constamment pris en étau entre sa loyauté, son allégeance et sa quête d'une vérité afin de mettre à jour un véritable écosystème pourri jusqu'à l'os.


Le réalisateur transforme son Copland en véritable jungle urbaine, en un état sauvage où la notion d'héroïsme ou de valeur devient de plus en plus abstraite. Sylvester Stallone y renaîtra tel le phénix au sein d'un incroyable casting quatre étoiles, au terme d'un affrontement aux accents de western tout autant rugueux que moderne, inéluctable qu'indolent et sûr de lui. Déformé par le traumatisme d'une balle qui continue de siffler à l'oreille et à l'écran.


Copland s'impose instantanément comme un des sommets du polar des années 90. A son propre rythme, presque désinvolte. Mais de manière magnifique et classieuse, en forme de perle sombre où les loups se sautent à la gorge et se mangent entre eux. Aussi puissant et réaliste qu'il en arrive à faire oublier que son réalisateur n'en était qu'à son deuxième essai.


Ce qui n'est pas un mince exploit.


Behind_the_Mask, sourd comme un pot.

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le 7 nov. 2018

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