Pour qui sonne la prostate
On connaît l'inclination de David Cronenberg à la prolixité, à la surabondance de dialogues, et nombreux sont ceux qui n'ont pas manqué de le lui reprocher dans son précédent opus, A dangerous method, où le sujet se prêtait pourtant à ce déballage de concepts et d'idées intimement liés à l'existence même de la psychanalyse.
Dans le futur de Cosmopolis, magnifiquement filmé, où chaque plan est une leçon, où la lenteur et le calme omniprésents démentent une bande-annonce survitaminée, et où Robert Pattinson n'est pas loin du sans faute, le réalisateur accouche d'une interminable logorrhée basée sur le roman de Don DeLillo, prétexte à presque deux heures de discussions philosophico-scientifico-écnonomico-pompières sur banquette 100% cuir.
L'occasion d'une analyse structurelle des derniers feux du capitalisme niveau café du commerce, le jeune magnat de la finance, dans un état des lieux géopolitique pour le moins fumeux, se rendant compte trop tard qu'il a sous-évalué le pouvoir du yuan. Que de verbiage, de prétention sans nom dans ce scénario qui s'écoute parler !
Dès lors, le fond de l'intrigue n'a plus guère d'importance, et l'on oublierait presque ce street-movie en limousine high-tech à travers New York la dangereuse – dans un constant faux ralenti esthétisant, en soi irréprochable –, et la folie ultime du golden-boy en cours de ruine à se risquer à une coupe de cheveux dans un quartier craignos. On en tremble encore !
Mais la scène finale, affrontement entre l'ancien employé névrotique et aigri et son ancien patron au bout du rouleau, chacun un flingue à la main, reste le clou du spectacle : si Eric Packer n'a pas vu venir ce qui a causé sa chute, c'est en raison de sa prostate asymétrique diagnostiquée le matin même à quatre pattes sur la banquette de sa voiture-bureau, preuve ultime que l'imperfection est de ce monde.
On savait déjà que le diable est dans les détails, nous voilà heureux d'apprendre que la morale de Cosmopolis est dans le rectum de Rob Pattinson. Grandiose !