Toute une vie

Alors que son dernier film de fiction, L'affût, date de 1992, Yannick Bellon revient au cinéma par le documentaire, sorti un an avant sa disparition. C'est un parcours fragmenté de sa vie, assez tumultueuse, longue et semée d'embûches.

Bien avant de se tourner vers le cinéma, Yannick Bellon a été photographe, réalisatrice d'émissions de télévisions, de documentaires (dont celui-ci), mais surtout, elle restera toujours monteuse pour les films des autres. Le tout illustré de photos très bien restaurées, dont sa rencontre avec le jeune Jean Rouch juste avant la guerre, sa complicité avec sa soeur Loleh qui se tournera davantage vers le théatre, et un talent non négligeable pour la narration.

Car le documentaire est raconté par la réalisatrice elle-même, qu'on voit déambuler dans les rues de Paris, ce qui est une caractéristique de beaucoup de ses films, et elle se balade aussi bien vers les quais qu'à la Fémis dans un studio constitué de fonds verts.

Il faut aussi dire que la carrière de la réalisatrice est sidérante ; elle a ainsi démarré à la fin des années 1940 pour un documentaire inachevé, jusqu'à ce dernier film, qui est aussi un documentaire sur elle-même ; la boucle est bouclée. Bien entendu, elle revient en particulier sur chacun de ses 8 films de cinéma, avec parfois quelques anecdotes, mais surtout une grande sincérité, notamment quand elle évoque L'amour violé, film dur mais magnifique par ailleurs.

On retrouve quelques-uns de ses collaborateurs interviewés, notamment Marin Karmitz (qui a distribué L'amour violé envers et contre tous) ou Nathalie Nell, et au fond, même je n'aime pas tous ses films, il est regrettable de voir que la disparition de Yannick Bellon s'est faite dans une relative indifférence alors qu'elle n'a rien à envier à Agnès Varda, son exacte contemporaine décédée la même année. Car il y a entre elles le thème du féminisme qui revient, mais peut-être que Bellon a su toujours rester dans un côté premier degré, sans qu'elle s'affiche par sa légèreté, ce qui ne retire en rien le talent de Varda. En tout cas, ce documentaire est comme un joli point final sur une carrière d'exception.