Une certaine langueur caractérise le film au départ et répond à la grande violence du contexte. Au fur et à mesure Danse avec les loups va se faire toujours plus poignant ; ça pourrait n'être qu'une question de conditionnement, car au-delà de 200 minutes ce serait troublant qu'un spectacle n'ait pas d'effets profonds. Mais ce genre de poids peut sonner creux ou assommer platement ; JFK ou Le Docteur Mabuse ne sont guère troublants. L'exaltation suscitée par Danse avec les loups n'est pas nerveuse ou bruyante ; de façon tranquille et sûre, le spectateur est invité à partager la révélation du Lieutenant John Dunbar, découvrant l'harmonie sur Terre.


L'aventure a son charme mais elle a aussi un but, inconnu ; ce but est atteint, l'aventurier a combattu, exploré, puis finalement trouvé un espace où il accueille la sérénité sans peines, sans regrets et surtout en vivant un enthousiasme simple, total et permanent. Même s'il subit quelques mises à jour contrariantes, John ne se dissout pas chez les Indiens. Sa contemplation est forgée par l'attachement et le spectateur reçoit ces images avec la même émotion. La beauté de ces décors naturels (appartenant au Dakota du Sud) pourrait demeurer plastique, sans relief : tout ceci serait magnifique à un degré presque théorique s'il n'y avait pas la mise en scène d'une adhésion.


On peut toujours reprocher à raison au film d'être un peu léger sur les questions historiques, cependant la vision d'un mode de vie, d'un rapport à la Nature et à l'espace, rend le plaidoyer en faveur des Indiens d'Amérique bien plus fort que si les enjeux politiques côté envahisseurs étaient égrenés ; de même, le récit de la chute des Sioux susciterait l'indignation, mais sans donner davantage sur la valeur de l'objet. Danse avec les loups ouvre un monde, il ne postule pas en militant ou documentariste et c'est d'autant plus puissant. Raconter une adhésion (et la faire vivre éventuellement) permet au spectacle de diffuser une énergie constante, que la trame seule n'autorise pas. Le scénario manque peut-être de densité, la richesse étant ailleurs que dans les manœuvres ou la quantité d'événements ; elle est dans son calme dessein épique, un peu littéraire et intensément relié à la réalité.


Pour ce premier film, Kevin Costner est soutenu à la réalisation par Kevin Reynolds et sur l'écriture par Michael Blake. L'unique autre scénario de cet auteur alors adapté au cinéma a donné Stacy's Knights (1982), œuvre marquant le coup d'envoi de la carrière de Kevin Cotsner. Costner conseille à Blake de passer par la case roman pour s'assurer d'atteindre le grand écran ; en 1988 il publie son premier, c'est Danse avec les loups. Costner en achète immédiatement les droits et commence le tournage. Il devra s'auto-produire pour assumer ses ambitions. Danse avec les loups aurait pu tourner au grand flop dans le Far West façon La Porte du Paradis, autre film-fleuve déployant de très grands moyens et renvoyant aux débuts des Etats-Unis.


Loin de ce fiasco commercial, il va connaître un immense succès (n°1 de 1991 en France avec 7.3 millions d'entrées). Le film s'octroie des rafales de récompenses, triomphe aux Oscars (les seuls statuettes 'principales' lui échappant concernant le casting), aux Golden Globes et gagne l'Ours d'argent. Kevin Costner, révélé grâce à son rôle dans Les Incorruptibles trois ans avant, a crée la surprise et livre une œuvre adulée partout comme s'il était un vieux gourou établi, type Cameron ou Orson Welles. Il ne suscitera pas le même admiration avec ses deux prochains films (Postman et Open Range), les zélateurs de Postman étant les Razzie Awards.


https://zogarok.wordpress.com/2015/07/01/danse-avec-les-loups/

Créée

le 1 juil. 2015

Critique lue 1.3K fois

5 j'aime

1 commentaire

Zogarok

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

5
1

D'autres avis sur Danse avec les loups

Danse avec les loups
Sergent_Pepper
8

The West Wind

Rien ne destinait Danse avec les loups au succès qu’il rencontra, et à la petite postérité dont il jouit, le rangeant du côté des classiques tardifs de la mythologie hollywoodienne. Monté dans la...

le 15 nov. 2019

52 j'aime

11

Danse avec les loups
Jambalaya
10

Into The Wild

On croyait le western moribond, le genre ne faisant que survivre depuis un âge d’or révolu et ne proposant que des réalisations de niveau moyen comme Young Guns ou encore Silverado. Personne...

le 3 nov. 2013

43 j'aime

12

Danse avec les loups
Ugly
10

Une superbe fresque humaniste

Un western de plus de 3h, réalisé par une star exigeante voulant superviser le montage, et comptant 70% de dialogues en langage sioux sous-titré... voila ce que Kevin Costner imposait aux producteurs...

Par

le 24 sept. 2016

42 j'aime

21

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2