Adaptation de la série éponyme, diffusée entre 1966 et 1971, Dark Shadows est issue de l'envie de Johnny Depp d'adapter pour le grand écran ce soap gothique des années 60. L'acteur rêvant d'interpréter le vampire Barnabas Collins. Tim Burton à la réalisation, cette comédie horrifique déjantée dont l’action se situe dans les seventies mettra vos zygomatiques à rude épreuves. Bienvenue à Collinsport où l'industrie de pêche est florissante.


Un Tim Burton unique en son genre


Notre amoureux du cinéma d’horreur à l’ancienne a encore frappé. L'imagination de Tim Burton ne connait pas de limites. Pour Dark Shadows, le réalisateur ne se répètera pas, s'imprègnera certes d'influences puisées dans les films d'horreurs de la Hammer, du romantisme gothique, mais ne se répètera pas. Après la comédie musicale sanglante « Sweeney Todd », puis les aventures d'Alice au pays des merveilles, le voila à continuer de nous prouver tout son amour pour l'époque victorienne. Seulement, nulle question d'axer son histoire à cette époque, il veut de la nouveauté. C'est là qu'il décide de faire débarquer son anti-héros dans les seventies. Effroi, humour et amour seront au rendez-vous. Même s’il sera question de vampire, les scènes sanglantes ne se montreront pas. Quelques gouttes de sang le long de la bouche de notre personnage, des transfusions sanguines (Barnabas ne supportant pas sucer le sang des gens), mais c’est tout.


Fan de manoir gigantesque et hanté ? Dark Shadows vous comblera de joie. Immense, gothique, sombre, Collinwood, le manoir des Collins, un véritable personnage. Barnabas l’ayant construit, il connait tous les secrets de cette maison aux nombreuses cachettes. Bruce Wayne n’a qu’à bien se tenir. Sculptures, tableaux représentant les Collins à travers les époques, cheminée, escaliers dans le hall, piliers peints à la main, lustre géant, du bois, du marbre, de la tapisserie, un fantôme à l’aura bleuté se promenant la nuit dans les longs couloirs, l’environnement est aussi riche que beau. Accompagné du look ténébreux/horrifique de Barnabas, il est autant élégant que terrifiant. Le manoir ne sera pas le seul lieu où nous évoluerons. Collinsport étant un petit village de pêche, il y a un port véritablement construit par l’équipe du film pendant le tournage, tout un tas de petites boutiques. C’est beau, très beau.


Sans être extraordinaire, le scénario de Dark Shadows reste convenable. L’histoire débutant en 1760 puis nous installant par la suite au début des seventies, on prend surtout plaisir à suivre le retour de Barnabas, totalement sous le choc, dérouté en découvrant l’évolution considérable d’un monde dans lequel il avait vécu. Là, Tim Burton, tel Jean-Marie Poiré avec sa célèbre comédie Les visiteurs, s’amuse comme un petit fou avec son véritable gentleman persuadé qu’il est en enfer. Tous ses néons et lumières éblouissantes, le sol bétonné, le look et l’attitude des gens, les voitures, le sentiment général, les lampes en lave (Barnabas persuadé que c’est du sang flottant), le macramé, on soulignera bien le décalage entre la manière de vivre au 18ème siècle et la vie dans les seventies. Néanmoins, les seventies seront les seventies à la Burton.



Un vampire madame. Certes, à mon grand déplaisir.



Le gentleman Johnny Depp face à Eva Green la ravissante succube


Johnny Depp, c’est l’élément qui fait que Dark Shadows mérite tout notre attention. Pour Sleepy Hollow, il était frustré de ne pas ressembler physiquement au vrai Ichabod Crane. Il voulait des oreilles et des doigts longs, son vœu est exaucé. Pour avoir un physique filiforme, l'acteur c'est mit à la diète de thé vert, en buvant des litres, consommant une grande quantité de fruits afin de perdre du poids pour son rôle. Comme à son habitude, l’acteur caméléon fait un sans fautes, portant le film sur ses épaules. Torturé comme les personnages de Vincent Price, Barnabas vit très mal le fait d’être un vampire immortel séparé de l’amour de sa vie par la mort et le temps. Même si ce n’est pas la même personne, Victoria pourrait être la lueur d’espoir de notre vampire. On est en plein dans de la mythologie de vampires dormant à l’envers ou dans un cercueil (moment hilarant du film), ne pouvant s’exposer au soleil, ayant le don d’hypnotisation. Parfait.


Sans nous faire du Jack Sparrow Bis, l’acteur sera plus dans la retenue, jouant un homme maniérée, gentleman, pointilleux, bouffon par moments sans s’en rendre réellement compte. Ses joutes verbales sont savoureuses, l’acteur excentrique nous offre de nombreux moments hilarants. Copinant avec des hippies insouciants, comparant le dessin animé Scooby Doo à une pièce de théâtre absurde, prenant le logo de McDonald pour un signe envoyé par Mephistopheles en personne, tout dans Dark Shadows est du décalage, de l’absurde, de l’outrancier, de l’humour noir.


Aux cotés de Depp, on retrouve Eva Green mi-sorcière, mi-T1000 (vous comprendrez en voyant le final spectaculaire de notre film). La ravissante, la terrifiante Eva Green et son regard perçant, pouvant vous changer en pierre si elle en avait le pouvoir. Tout comme son rôle de Vanessa Ives dans la série Penny Dreadful, Eva éblouit par sa prestation, son glamour, sa plastique de rêve qu’elle prend plaisir à mettre en valeur, ses vêtements (sa robe de soirée rouge pourrait bien mettre sur le carreau Jessica Rabbit), son teint pale en faisant la nouvelle muse de Tim Burton. Peine, désires, vengeance, la folie dans son extrême. Homme ou femme, nous sommes tous un jour tombé sur quelqu’un de jaloux au point de se montrer cruel(le) quand elle (il) est c’est senti rejeté(e). Le rapport amour/haine entre Depp et Green fait des étincelles. Plutôt comique de voir « tomber en ruine » psychologique et physique Angélique dès le retour de Barnabas. Et oui, elle est vulnérable malgré son coté puissant/indestructible/obsessionnel. Des transitions parfaites pour une actrice parfaite.




  • T’as fumé ou quoi ? - Sachez Mademoiselle, qu’on a essayé de me brûler à maintes reprises mais que je n’ai jamais émis une seule fumée
    !



La famille est la seule vraie fortune


Le petit coté « Les visiteurs » transposé dans un contexte fantastique et horrifique fait son effet, tout comme la multiplication de clins d’œil aux seventies, à la culture pop comme ce caméo d’anthologie d’Alice Cooper, pionnier du rock, dont Barnabas prendra pour une jeune fille terriblement laide.


Visuellement, Dark Shadows est irréprochable. Couleurs psychédéliques des seventies mêlées à l’esthétique gothique de Tim Burton, son nouveau film se situe entre un Sleepy Hollow et Les noces funèbres. A ne pas mettre devant n’importe quels yeux. On aime tous se faire peur. Ca nous permet d’échapper au quotidien. Dark Shadows incarne ce genre de films dont on aime s’y plonger. Attention, Tim Burton n’a pas l’intention de nous faire peur, il veut nous donner envie de suivre Barnabas dans son aventure.


Au programme, du surnaturel, de l’étrangeté, des monstres, l’importance du lien familial, du féminisme, la découverte de la culture des seventies, l’amour et la jalousie, une sexualité bien présente. Car oui, Eva Green, dans pratiquement tous ses films, elle aime jouer avec son corps de rêve, se dénuder pour le plus grand plaisir des Messieurs. C’est qu’on pourrait couper notre bras pour lui faire plaisir ! Même s’il n’y aura pas de corps dénudés, de nombreuses scènes seront suggestives. Que dire de cette séquence de galipettes violentes entre Barnabas et Angélique virevoltants dans toute une pièce, lacérant les murs pendant l’acte ?



Madame je ne suis ni bon, ni gentil et jamais je ne pardonne.



Au final, Tim Burton signe là une gothico-comédie hilarante, truffée de belles trouvailles tant scénaristiques que visuelles, doté d’un casting superbe, de répliques délirantes et d’une dynamique Depp/Green cultissime, le tout enjoliver par des tubes envoutants des seventies. Un poil moins bon que ces autres œuvres à cause d’un manque d’ambitions du coté du développement de ses personnages peu attachants (Victoria et David auraient dû être plus mit en avant), de la narration légèrement mollassonne, et de la bande originale d’un Danny Elfman moins inspiré que d’habitude, Dark Shadows remplit au moins son objectif premier : celui de nous divertir et nous éblouir.

Jay77
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le 7 janv. 2018

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Jay77

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