Portant un beau chapelet pour se mettre dans l’ambiance, l’atmosphère dans la salle était plutôt tendue. Et j’avoue ne pas avoir caché mon plaisir de trouver du cinéma à l’ancienne, avec le vrai Mal et des hommes qui essayent de l’affronter. En ces temps de cynisme athée, l’existence que quelques films religieux honnêtes vient nous rappeler ce qu’est la religion pour les hommes. Endurer les épreuves, reconnaître ses fautes, se battre contre le mal… Des accroches qui semblent creuses ou facilement risible et qui pourtant sont imprégnées de force. Et Délivre nous du mal renoue avec ce premier degré à l’intensité si puissante. Essentiellement par l’intermédiaire de ses personnages. Ce n’est pas un hasard si Sinister était déjà une réussite, tous ses personnages (à l’exception de la famille du héros, complètement clichée) avaient une étoffe attachante. Ici, c’est également le cas, poussé à un degré encore plus fort. Avec son personnage de prêtre moderne qui rend enfin justice à la vocation (beau, naturel, belle répartie, conviction et sincérité) et son flic encaissant le Mal des hommes au prix de sa vie de famille, on tient un duo puissant qui abordera les thématiques sus-mentionné avec sérieux, tout en menant l’enquête sur les agissements de plusieurs personnes qui semblent toutes liées. A la fois polar et horreur fantastique, le film réussit à bien jouer sur tous les tableaux, et même pendant les séquences clichées (la chambre d’enfant peu à peu investie), le film trouve une efficacité que seuls des films comme ceux de James Wan ont atteint. En fait, Scott Derrickson, c’est un peu le sosie de Wan, qui fait des films dans la même catégorie et de la même façon, tout en gardant son originalité. Et vu comment le réal s’améliore, il pourrait sans doute y avoir un duel pour départager les maestros (seul la productivité de Wan lui donne encore de l’avance). Le principal point fort du film, ce sont ses possédés. Sur la totale durée du film, seul deux plans ridicules. Deux plans ! 7 secondes grand max de mauvaises, tout le reste est bon, et on y croit. Exit les insultes à la mord-moi le nœud, les grimaces et lévitations en tout genre, on a des bêtes humaines, des fauves qui griffent et mordent. Et sur l’espèce de possédé ultime du film, j’ai eu l’immense plaisir de retrouver Sean Harris. Sean, c’est pas un acteur charismatique. Osseux, la peau plaquée sur le crâne, et ce regard vide qu’il a si bien su intégrer dans chacun de ses personnages (sa prestation d’anthologie de 20 minutes dans Harry Brown, le monstre de Creep…). Cet acteur n’a pas aucun amour propre, il se donne sans arrêt à fond, et nous livre ici sa performance la plus physique. Oubliez Lynda Blair, le boss des possédés, il est là. Scarifié, sanglant, physiquement invulnérable, Sean Harris montre combien il peut porter un film sur ses épaules quand on lui en donne les moyens. Petits défauts néanmoins ça et là dans le film. Un flash back assez hideux en mode seventies qui se révèle être une faute de goût (je ne sais pas vous, mais je préfère voir un acteur qui parle et qui a l’air de revivre les évènements par d’infimes signes de visage qu’un flash back), et la conclusion du film. Non, Délivre nous du mal ne devait pas se terminer ainsi. Le possédé, brisé, aurait dû faire face aux dégâts qu’avait provoqué son corps et dont son esprit était innocent. Le remord et l’irresponsabilité auraient du torturer le héros, et le mettre sur la même voie que le fait la conclusion. Parce qu’on ne gagne pas contre le mal. On peut s’empêcher d’en faire davantage, et parfois générer du bien pour soulager sa conscience. Mais on ne répare pas ce qui est fait. Et un possédé ne prend pas d’otages. Une note finale un peu décevante, qui n’éclipse cependant pas les remarquables idées qui jalonnent l’enquête (excellente séquence du zoo, excellentes apparitions des possédés, elles sont toutes efficaces), et qui aboutissent à l’un des divertissements d’horreur les plus réussis de l’année. Rien de moins.