Délivrez-nous du mal
7.2
Délivrez-nous du mal

Documentaire de Amy Berg (2008)

(Cette critique date de l'année de la sortie du film , je la ressors du placard en complément à ma critique de Grâce à Dieu). En espérant aussi que le film trouve un nouvel écho....


La réalité dépasse bien souvent dans l'ignominie la plus aberrante des fictions. On pourrait penser que ce n'est qu'une phrase toute faites, presque une simple formule bateau et pourtant certain films documentaires qui vous retourne l'estomac et vous laisse la rage au ventre et les larmes aux yeux illustre parfaitement cet adage. Délivrez nous du mal de Amy Berg est un documentaire des plus éprouvant qui s'attaque au sujet délicat de la pédophilie au sein de l'église catholique et ceci à travers le cas particulier du père Oliver O'Grady.    


La réalisatrice a donc choisit de retracer le parcours du père Oliver O'grady l'un des plus tristement cas de pédophilie connu au sein de l'église moderne. Amy Berg raconte donc l'itinéraire de cet homme à travers le témoignage de ses victimes, de ceux qui ce sont impliqué dans cette histoire, du père O'grady lui même et de ceux qui auront gardé le silence pour ne pas faire exploser un scandale sur l'institution religieuse.


Délivrez nous du mal est un film éprouvant, parfois révoltant et dont certaines séquences vous laissent un nœud dans l'estomac et les yeux embués, mais c'est un film utile, presque indispensable. Amy Berg a assez vite décidé pour les besoins de son documentaire de rencontrer et interviewer le principal sujet de son film à savoir père Oliver O'Grady lui même. La réalisatrice évoque alors une expérience des plus perturbante tant elle avait le sentiment de se retrouver devant un homme doux presque déconnecté des événements, racontant d'un air détaché les actes commis sur les enfants. C'est d'ailleurs cette image de monstre ordinaire qui ressort du film et des interventions de Oliver O'Grady, on découvre un vieil homme bien banal racontant les faits d'une manière calme et froide parfois même en souriant. Une image extraite de son procès le montre même entrain de plaisanter malgré la gravité des faits qui lui sont reprochés. Sans doute un peu trop conditionné au confessionnal et au pardon le père O'grady semble parfois utiliser cette opportunité d'expression pour se raconter et tenter de trouver le pardon de ses victimes. On assiste même à une séquence assez improbable durant laquelle le père écrit à ses victimes une lettre pour leur demander de venir le rencontrer et pourquoi pas lui pardonner en lui serrant simplement la main. Le film contrebalance alors avec une grande violence l'apparente sérénité désinvolte de l'homme avec la monstruosité de ses actes passés. Car cet homme qui parle calmement et librement dans un square avec des enfants qui jouent autour de lui est responsable de plus de cinquante cas d'attouchements et de viols sur des mineurs dont certains n'étaient que des nourrissons de moins d'un an. Un homme qui aura profiter de son autorité et de sa respectabilité d'homme d'église pour obtenir la confiance de familles dont il aura abusé à la fois de leurs enfants et de leur foi en dieu.
    
Plus que le simple portrait d'un monstre Délivrez nous du mal est un documentaire à charge sur l'irresponsabilité de l'institution religieuse elle même qui pendant plus de vingt ans aura fermer les yeux sur les agissements du père O'Grady. Le plus dramatique est incontestablement que les autorités et les supérieurs hiérarchique du père Oliver O'Grady étaient parfaitement au courant de ses penchants et de ses actes qu'il ne jugeaient jamais plus grave qu'un simple pêché de chair. Pourtant par ambition personnel, par peur du scandale, par refus d'ouvrir les yeux sur l'ignominie, l'église catholique va se contenter de déplacer régulièrement le père O'Grady d'une paroisse à une autre après chaque affaire afin d'éviter qu'elle ne fasse trop de bruit. C'est ainsi que cette institution faisant office d'autorité morale aura couvert par le silence et le mensonge les crimes sexuels de ce religieux en le laissant investir de nouvelles paroisses, tromper de nouvelles familles, briser de nouvelles vies sans jamais prévenir les autorités locales du danger potentiel et du passé de cet homme. Un silence de plomb, comme l'omerta d'une maffia, comme le refus d'une multinationale de voir sa façade publicitaire éclaboussé de scandale. Aujourd'hui encore le Cardinal Mahony qui a couvert le père O'Grady pendant des années est toujours en fonction et rejette en bloc toute responsabilité. Le film montre aussi le Vatican refusant catégoriquement de recevoir et écouter les victimes pour simplement entendre leur souffrance.
    
Délivrez nous du mal donne aussi la parole aux victimes directs et indirects du père Oliver O'Grady. Des témoignages souvent bouleversant dans cette difficulté à exprimer l'innommable alors que le bourreau lui parvient à en parler d'une manière totalement banal. Le film nous montre que bien au delà de la souffrance des faits les victimes sont des personnes détruites moralement, incapable de se reconstruire une vie affective et sexuel, des êtres brisés par des enfances piétinées et des innocences trahies et abusées. Le témoignage le plus éprouvant reste incontestablement celui de ce père de famille qui a accueilli, hébergé, nourri le père O'grady pendant des mois, qui le regardait plonger dans la bible tous les matins alors qu'il partait au travail. Un homme qui aura toujours soutenu le père avec confiance jusqu'à son arrestation et le moment ou le scandale va lui exploser au visage. Ce père de famille les larmes au yeux, la voix étranglé de rage évoque alors l'instant ou il a réalisé que des années auparavant alors qu'il lui avait offert l'hospitalité de son toit le père Oliver O'Grady dormait juste à coté de sa fille. Les mots ressemblent alors à des lames de rasoirs sortant de sa gorge lorsque il évoque l'instant ou il a posé la question à sa fille et compris dix ans trop tard que le père Oliver O'Grady la violait chaque nuit alors qu'elle n'avait que cinq ans. Il est absolument impossible d'oublier le regard et l'infini tristesse de ce père de famille quand il explique pourquoi sa fille ne lui a jamais parlé à l'époque de ce qu'elle avait subit, on reste juste anéanti par la souffrance de cet homme avec les larmes au yeux.    
    
Refusant de simplement exposer les faits Amy Berg tente de trouver des piste d'explications au cas de pédophilie dans l'église catholique qui bien malheureusement ne se limite pas simplement au cas du Père Oliver O'Grady qui lui même fut abusé dans son enfance par un prêtre. La réalisatrice pointe du doigt le célibat des prêtres décrétés par l'institution religieuse moderne sans la moindre justification dans la bible ou encore la vie du christ. Ce célibat serait en fait surtout destiné à éviter qu'à la mort d'un homme d'église ses biens soient légués à sa femme ou ses enfants échappant ainsi à l'institution catholique. Le film accuse clairement un célibat et un refus des pulsions sexuel difficilement maîtrisable par l'homme, un endoctrinement poussant des hommes d'église à expérimenter une sexualité dont ils ne connaissent strictement rien. Délivrez nous du mal élargit alors le problème de pédophilie dans l'église d'une manière des plus inquiétante montrant à quel point les autorités religieuses refusent de voir en face cette réalité qui existe pourtant depuis plusieurs siècles préférant l'ignorer plutôt que la combattre. Un rapport accablant sur ce fléau sera même mis aux oubliettes par des représentants de l'église catholique dont la cardinal Ratzinger qui est aujourd'hui devenu pape et représentant suprême de la foi catholique.
    
Le film se termine sur le Hallelujah de Léonard Cohen repris par Joseph Arthur avec quelques panneaux informatifs décrivant des faits tout aussi effrayants que révoltant. Le père Oliver O'Grady vit toujours en liberté en Irlande – Le cardinale Mahony qui a soutenu O'Grady est toujours en fonction et réfutes les accusations de pédophilie impliquant plus de 556 prêtre – Le pape Benoit XVI est accusé d'avoir dissimulé les abus sexuels du clergé aux États-Unis et à la demande du Vatican le président Bush lui a accordé l'immunité – Depuis 1950 les crimes sexuels ont coûté à l'église catholique plus d'un milliard de dollars en frais juridiques – Plus de 100 000 victimes d'abus sexuels de la part de membres du clergé se sont manifestés rien qu'aux USA – 80% des victimes d'abus sexuels gardent le silence – Le plupart des pays commencent tout juste à se pencher sur ce problème..... Hallelujah.   

freddyK
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le 19 nov. 2019

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