Nicholas Ray filme habituellement des personnages qui se situent aux marges de la société, volontairement ou involontairement. Pourtant, ici, c'est l'exact opposé. La famille américaine qu'il nous montre dans ce film est d'une banalité affligeante. Ce qui ne va pas l'empêcher de sombrer.
C'est en lisant un article sur la cortisone que Ray aura l'idée de ce film, produit par l'acteur principal James Mason (il faut dire que les studios n'étaient pas très chauds).
Ed est donc un professeur obligé d'avoir un second emploi pour faire vivre sa famille. Malade, il essaie un traitement révolutionnaire : la cortisone. Il se sentira vite mieux, mais le médicament va développer chez lui des effets secondaires terribles.

Il est évident ici que la cortisone n'est qu'un procédé scénaristique employé par Ray pour arriver à ses fins : la critiquer virulente de l'american way of life. Et ça fait mal : surmenage, pression sociale, matérialisme à outrance, société du spectacle et, pour couronner le tout, fanatisme religieux.
Ray prend tout ce qui constitue les fondements de la société américaine et les détourne en instrument de torture. La famille ? le père devient un bourreau, voire un meurtrier. Le sport ? le foot US est employé pour humilier le fils et le pousser au bout de ses forces, sous le prétexte d'en faire un homme, un vrai. La télévision ? elle est utilisée pour couvrir les cris de la mère, enfermée dans le placard. La société marchande ? un moyen pour acheter à crédit, dépenser de l'argent que l'on ne possède pas, donc aliéner encore plus les populations. Le système éducatif ? les parents d'élèves sont des clients qu'il ne faut surtout pas contrarier. Le travail ? une forme d'esclavage qui ne reconnaît pas la véritable valeur des individus.
La religion ? un moyen d'imposer un diktat sans limite du père sur sa famille.

Ray sait formidablement bien utiliser son talent au profit de l'intrigue. La réalisation est implacable et sait à merveille mélanger l'hyper-réalisme et les procédés expressionnistes pour nous plonger dans l'angoisse et la folie. Plongées, contre-plongées et ombres vertigineuses instaurent le malaise. La quasi absence de musique augmente encore l'angoisse.
Les interprètes sont tous très bons mais, bien évidemment, le film repose surtout sur la performance d'un James Mason impressionnant.
Encore un grand film à l'actif de ce grand cinéaste.
SanFelice
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le 17 août 2012

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SanFelice

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