Nick Cave est fasciné depuis toujours par l'Amérique de la grande dépression, les trous paumés où survivent les communautés en autarcie, et les petits anges qui volent fesses-nues. Aussi quand il se voit confier la mission d'adapter le roman de Matt Bondurant, situé dans un comté reculé durant la grande dépression, il y avait là moyen d'exploiter deux tiers de ses obsessions à fond.
Concoctant un récit beaucoup plus linéaire et facile à suivre que The Proposition, il renoue avec l'ambiance de chansons comme Stagger Lee et de son livre Et l'âne vit l'Ange. Dans cette Amérique ravagée entrent en collision des personnages entiers, iconiques, qui ne reculent devant rien.
Et le film de s'intéresser justement aux légendes et aux symboles, aussi bien à travers le personnage increvable de Tom Hardy que le détail du père de Mia Wasikowska qui brule sa robe toute neuve...
Guy Pearce lui même demande à voix haute : "Savez-vous ce que fait une mitraillette à un immortel ?"
Sur ce canevas, John Hillcoat tisse un film riche, rugueux et sauvage qui fourmille de détails ( voyez la scène de lavage de pieds ou encore ce moment insolite où une prostituée court le long de la route pour fuir la boucherie perpétrée par Tom Hardy ) et vient offrir aux acteurs un terrain pour briller.
Curieusement, ce sont les étrangers qui font le mieux les américains. Les Australiens Guy Pearce et Mia Wasikowska et l'Anglais Tom Hardy campent solidement ces êtres d'un autre âge, psychotiques pour les hommes et fragile pour la femme, tandis que Shia Labeouf et Jessica Chastain ont plus de mal à se défaire de leur background californien.
Cela dit, après Tree of Life, Texas Killing Fields et Take Shelter, Jessica se retrouve enfin dans un bon film. Je commençais à désespérer. Et Shia, pauvre pantin qu'il est d'habitude campe un petit péteux qui veut jouer dans la cour des grands, et ça lui va à merveille.
Ajoutez à ça une photo magnifique, la musique de Nick Cave et des choix de chansons contemporaines qui s'intègrent bien et vous obtenez là un des meilleurs films de l'année.
Une seule ombre vient ternir le tableau, je trouve que les deux personnages féminins sont un peu trop en retrait, et ne sont que des vases à conquérir. C'est sans doute dû à la volonté évidente de construire un film plus facile d'accès que The Proposition, mais elles auraient pu constituer un enjeu plus fort... Surtout Mia car Jessica finit par emporter le morceau à la fin.