C'est un film méconnu et je pèse mes mots. J'adore mettre la main sur ces films, ces pépites perdues que le sable du temps a recouvert. Pourtant Docteur Petiot est un bijou fantasmagorique, bizarre, expressionniste des plus stimulants.
Michel Serrault, on le connait pour ses rôles sérieux voire terrifiant (les fantômes du chapelier). Il est tout à fait capable d'interpréter ce célèbre tueur en série qui défraya la chronique, il y a 80 ans.
Petiot traverse ce film à toute allure, inarrêtable, infatigable, à bord de son vélo à remorque qui cache à la fois son butin, qu'il récupère notamment sur des familles juives qu'il escroque et qu'il massacre et son charnier. Il est à maintes reprises comparés à un vampire, celui de Murnau, Nosferatu, notamment avec cette scène ahurissante de début de film où le personnage passe carrément de l'autre côté, de l'écran, dans un film muet, aux décors tout droit sorti de l'expressionnisme allemand ou d'une parodie de celui-ci. Le personnage est présenté en miroir (comme le reste du film), le jour, docteur modèle, bon père de famille, bien qu'extravagant et le soir, le monstre, le meurtrier, dans son château, qui drogue ses victimes, les coupe en morceaux et en rempli son four à chaux jusqu'au fameux incident de cheminée. Petiot était une ordure qui ne souhaitait que s'enrichir, sans de réelle raison valable d'ailleurs car il était bien médecin (il a même été maire), et son trésor accumulé ne semble pas nourrir quelconques ambitions. C'est un fou, un marginal, un paumé sans aucune moralité et Serrault le joue parfaitement, enfin presque, il y a peut être quelques scène où il en fait trop, où il grossit un peu le trait car le film est son théâtre, sa scène privée, étant aussi producteur du film.
D'ailleurs la dimension théâtrale de Petiot est aussi très bien retranscrite dans le film, avec toutes ces scènes dans l'hôtel de Petiot (son château) où il tue ses victimes après leur avoir mentis, les avoir drogués, maquillées sur un air de tango. Petiot est l'incarnation de la France occupée, qui profite de la situation pour commettre ses méfaits. Il est aussi l'incarnation des camps de la mort qui fait disparaitre ses corps dans un four.
On peut cependant reprocher au film son dernier acte, plus faible quand Petiot parvient à devenir un haut placé de la résistance qui fait torturer un paquets de gens (ironie de la situation) et aussi le jeu d'acteurs en général du film, Serrault à part, qui est vraiment mauvais.
Heureusement le final du film est magistral, quand Petiot passe à nouveau de l'autre côté de l'écran et cette fin où l'on voit toute les valises des personnes que Petiot a tué, et il y en a un paquet, quand on sait ce que Petiot a déclaré avant de perdre la tête "Je suis un voyageur qui emporte ses bagages ». Non Petiot, n'a rien emporté, il a laissé derrière lui un nombre effroyable de mystères et de gens disparus. Sans nous montrer son exécution ou son procès qui a été très médiatisé, le film bascule intelligemment dans la subtilité, l'humanité.
Impeccable.