Je vous avais parlé il y a quelques temps du Captain America made in Albert Pyun, bobine sortie en 1990, pleine d’intentions mais fauchée et au final ratée. Mais Pyun n’est pas le seul à avoir tenté l’expérience compliquée d’adapter l’univers des superhéros Marvel en film dans les années 90 quand on est sans le sou. Et tous étaient loin de se douter que, 25 ans après, les films de super héros en collants allaient inonder nos cinémas. Roger Corman s’y est essayé en 1994 avec le nanardesquement douloureux Les 4 Fantastiques. Charles Band, le papa d’Empire International Pictures et de Full Moon s’y est bien entendu également frotté –il ne pouvait en être autrement- en 1992 avec Doctor Mordrid, adaptation non officielle de Dr Strange qui, contrairement aux autres titres cités ci-dessus, s’en sort étonnement bien. Je dirais même plus, pour peu qu’on ne s’attende pas à voir du grand cinéma, c’est même une bobine fichtrement sympathique. Comme quoi, on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise quand on s‘aventure dans la face cachée du cinéma.


Charles Band ne s’en est jamais caché, c’est un grand passionné de comics. Suite au succès du Re-Animator de Stuart Gordon qu’il a produit en 1985, Band se positionne pour acheter les droits de Dr Strange. Seulement, il n’arrive pas à mettre sur pied le projet assez vite et les droits finissent par lui passer sous le nez. Mais Charles Band, qui a plus d’un tour dans son sac, prend contact avec Jack Kirby, un des créateurs des 4 Fantastiques et Captain America, et lui propose, moyennant finances, de travailler sur une série d’artworks qui lui permettront ensuite de faire le tour des festivals afin d‘essayer d’attirer les investisseurs avec, entre autres, de belles images d’un certain Dr Mortalis. Rien n’aboutit, d’autant plus que sa boite de production Empire International Pictures se casse la figure et que Band a du coup d’autres chats à fouetter. Lorsqu’il créé sa nouvelle société Full Moon, Band a toujours dans un coin de la tête de faire un film de superhéros. Il fait appel à Courtney Joyner, scénariste maison ayant travaillé jusque-là sur des films tels que Prison, Class of 1999 ou encore Puppet Master III, mais qui avait suivi Jack Kirby lors de ses travaux pour la firme, afin de travailler sur un script sur le fameux projet Dr Mortalis. Pour l’épauler dans ce navire, Albert Band, père de Charles, l’épaule pour la réalisation, et la conception de la Band son est confiée à Richard Band, le frangin. Même le fils du réalisateur se voit offrir un petit rôle. Oui, un vrai gang Band ! rire pincé Et comme Empire Pictures / Full Moon est une grande famille, on fait appel au manitou des effets spéciaux de la firme, David Allen, spécialisé dans les tournages rapides et peu couteux, et à Jeffrey Combs pour le rôle-titre, rendu célèbre aux yeux du monde entier grâce à la plus connue des productions de Band, à savoir Re-Animator. Voilà, la Band est au complet (mais c’est un festival de jeux de mots pourris dis donc !).
C’est ainsi qu’un beau jour de 1992 sort Doctor Mordrid, inspiré clairement de Dr Strange, à quelques différences près. Par exemple point ici de serviteur tibétain mais un corbeau portant le nom de Poe en guise d’animal de compagnie. Mordrid devient un sorcier d’un autre monde chargé de protéger la Terre de son frère Kabal qui n’a qu’une envie, c’est d’y semer le chaos et la destruction. Mais l’essentiel y est malgré tout.


L’histoire de Doctor Mordrid est convenue au possible et il est très facile de prédire ce qu’il va se passer. Mais le film est bardé de bonnes idées, parfois malheureusement sabordées par le manque de budget évident. Néanmoins, on retrouve tous les ingrédients d’un film de sorciers : potions magiques, portails menant vers un autre monde, sorts de magie, arrêt du temps, île flottant dans les airs, … Bon, les effets spéciaux sont ce qu’ils sont, entre stop motion et SFX grattés à même la pellicule, mais néanmoins il se dégage un charme indéniable et une ambiance des plus sympathiques, avec cette impression que la bande à Band a réellement essayé de bien faire malgré les restrictions budgétaires. La mise en scène de Charles Band est solide. Il va beaucoup jouer sur les éclairages, les contrastes, et la photographie s’en sort avec les honneurs. Même si, dans l’ensemble, les décors sont kitchs et ont un côté parfois carton-pâte, d’autres sont très réussis, comme par exemple celui de l’appartement du docteur qui en jette un max. Possiblement un des plus beaux qu’Empire / Full Moon ait pondu. Malgré le manque d’approfondissement des personnages, l’interprétation des acteurs est également à saluer. Jeffrey Combs est excellent, tout en retenu, et semble s’éclater dans son rôle ; de même pour Yvette Nipar, qui en plus ne se retrouve pas avec un rôle de potiche ; Brian Thompson a la gueule de l’emploi, parfait en sorcier maléfique à la chevelure blonde à mi-chemin entre la permanente et la coupe mulet, façon chanteur de hard rock des années 80. Rajoutez à cela un humour latent très léger et bienvenue, une durée très courte (1h14 générique de fin compris) empêchant trop de baisses de rythme (car le film ne raconte pas grand-chose hein), un petit plan nichons pour la route, et vous obtiendrez le haut du panier de ce que la Full Moon ait pu pondre.


Avec Doctor Mordrid, la Full Moon nous prouve qu’elle est capable de pondre quelque chose qui tient bien la route. Certes, ce n’est pas du grand cinéma et le film a un côté bien fauché, mais c’est fait avec sérieux, aussi bien dans la mise en scène que dans l’interprétation. Le résultat est sincèrement sympathique.


Critique originale avec images et anecdotes : ICI

cherycok
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le 7 févr. 2020

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